Quand les mères se retrouvent écartelées entre petits et grands

La génération sandwich, c’est typiquement les mères de famille d’une cinquantaine d’années. Leurs enfants sont encore à la maison ou juste partis et réclament encore pas mal d’efforts, parfois plus que jamais. Et leurs parents, voire leurs grands-parents, vieillissent dans une sérénité toute relative.

Les femmes ont longtemps entretenu ce savoir-faire d’être au four et au moulin, au centre de la vie sociale et des problèmes qui vont avec : éducation, changement, vieillissement. Une multitude de personnes viennent s’interposer dans leur vie, enrichissant leurs expériences mais réduisant la porte de leur liberté : enfants, voire petits enfants, mais aussi parents, amies, voisins. Sans oublier le conjoint, qui réclame autant d’attention que les autres.

Cette génération intermédiaire doit donc avant tout composer : avec les personnes, avec les circonstances, avec les projets. La pandémie toute récente a mis en avant leur rôle déterminant, absolument essentiel dans la cohésion familiale et sociale. Sans la patience et la résilience des mères, il est certain que les habitants confinés auraient explosé de colère.

Mais il est temps de passer à autre chose : ces semestres sous pression ont laissé leurs traces sur les épaules fatiguées des quinquas, qui ont besoin d’un grand bol d’air ! Je reviens sur ces lignes alors que plus personne ne parle du Covid et de ses contraintes… et je m’aperçois que la difficulté de jouer un rôle d’intermédiaire entre deux générations en crise reste entière.

1- L’âge de prédilection de la génération sandwich est 50 ans

1- La génération sandwich, coincée entre les autres

L’allongement de la durée de la vie, particulièrement chez les femmes, a engendré la juxtaposition de plusieurs générations dans leur entourage. C’est ainsi que les arrières grands parents sont de plus en plus nombreux, et représentent, d’après le sociologue François de Singly, la véritable vieillesse (tandis que les grands parents « jouent aux jeunes »).

Pendant la pandémie, on a vu émerger sur le devant de la scène cette fameuse « génération sandwich ». Elle concerne typiquement des femmes, qui doivent s’occuper à la fois des ascendants et des descendants, sur le plan physique, émotionnel et financier.

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Être dans la génération sandwich, c’est se retrouver comme la tranche de jambon ou les rondelles de saucisson : coincée entre les deux grosses tranches de pain inamovibles. Être partagée, encadrée, symboliquement parlant, entre les enfants qui s’éloignent et les parents qui se rapprochent, sans pouvoir s’en déloger.

C’est une véritable situation de crise, on l’on se sent écartelée sans savoir combien de temps cela va durer. Il existe plusieurs types de générations sandwich, selon la terminologie américaine, selon que les enfants soient petits et dépendants, ados et épuisants ou alors que les parents demandent une aide continue ou pas.

Les femmes qui ont eu des enfants dans la seconde partie de la trentaine (comme moi) ou quarantaine se retrouvent en première ligne. Elles jonglent entre les responsabilités professionnelles acquises, le stress de l’orientation des ados et le soin à leurs parents et beaux-parents. Je parle souvent de mes relations avec ces derniers (deux habitent en France, deux autres aux Etats-Unis) dans ma newsletter, c’est vraiment une épopée culturelle et familiale.

Lisez également mon article sur les grossesses tardives et les problématiques particulières des mères âgées (mais aussi leurs avantages, bien entendu).

2- Retour à la case départ, au service d’autrui ?

C’est le retour à la « place traditionnelle » des mères, au centre de leur communauté, qui prennent soin de leur entourage familial, voire de leur voisinage. Sans qu’elles y aient été préparées.

Pour certaines, ça a été libératoire : super, de se retrouver dans un seul rôle (sans avoir à travailler pour des raisons financières). Enfin l’occasion de se concentrer sur la fonction maternelle nourricière : l’assistance, le soin, le fait d’être utile en facilitant la vie d’autrui.

Mais d’autres l’ont vécu comme un sale coup, un vrai retour en arrière : la pandémie a obligé un certain nombre à sacrifier leur carrière, ou tout simplement leur boulot « normal », pour protéger les plus jeunes (sans école ni moyen de garde) et les plus vieux (sans accès aux soins habituels).

Au final, le bilan est lourd financièrement : les mères ont eu tendance à moins gagner d’argent, tout en dépensant davantage en services à la personne, lorsque c’était possible. 

Désormais la pandémie est loin derrière, mais les responsabilités de soin aux générations qui nous précèdent et qui nous suivent perdurent. Plus on vit longtemps (même en mauvaise santé), plus il faudra trouver une aide adéquate pour terminer sa vie. Les enfants (nous, puis nos filles et nos fils) devront y investir du temps, de l’argent et énormément de réserve émotionnelle. Les femmes (parfois les hommes) peuvent se transformer en « aidants », pendant les  weekends, les vacances, ou même à temps partiel ou à temps plein.

Ce phénomène a toujours existé, mais il est désormais perçu comme une couche supplémentaire de la charge mentale : notre génération a tellement intégré l’idée de travailler et de percevoir ensuite une retraite qu’il nous semble impossible de « revenir en arrière ». Quel choix existentiel, que celui de s’occuper de sa famille tard, plutôt que d’affiner sa carrière et de sortir avec ses amies une fois que les enfants sont grands. Qui aurait cru que nous aurions dû nous y confronter un jour ?  

2- Combiner protection à court terme et construction à long terme

Le paradoxe des années 2020 et 2021 pour les femmes quinquas, c’est qu’il a fallu protéger son petit monde ponctuellement, tout en poursuivant la construction d’un projet d’avenir. Repli sur soi et expansion. Protection et autonomie. Soin des autres et projet personnel.

L’équilibre a été difficile à trouver, et à mettre en œuvre. En fin de compte, la pandémie a souvent été une période noire pour les mères de familles. Qu’elles aient des enfants petits, moyens ou grands : les maternelles, les ados et les étudiants ont tous eu leur part de restrictions, qu’il a fallu leur faire avaler. Si en plus ces quinquas ont des parents vieillissants, malades ou vivant loin, le poids de l’inquiétude a été considérable.

Les conditions de sécurité pour tenter de protéger les enfants et les parents sans se contaminer soi-même sont souvent montées à la tête des adultes responsables. Qu’est-ce qui est possible, qu’est-ce qui est interdit ? Chacun croisait les informations à longueur de journée, en redoutant les nouvelles règles encore plus contraignantes.

3- Au lieu de se réinventer, les quinquas ont dû combler les manques

Les mères se sont particulièrement senties mises en cause. J’ai rencontré de multiples femmes, dans la cinquantaine, qui, à l’aube de l’été 2021, étaient au bout du rouleau. Écartelées entre les générations, obligées de réorganiser la maison pour que tout le monde puisse avoir accès à une pièce pour y travailler et une connexion Internet acceptable, elles se sont souvent oubliées pour assurer le confort des autres.

Dans les faits, les dits-enfants, même dans la vingtaine, peuvent être encore très demandeurs, voire extrêmement em…dants. Et nos parents n’en pensent pas moins, oscillants entre le refus absolu de changer et le besoin de confort adapté. Comment faire en sorte qu’ils se mettent dans la meilleure situation possible pour eux, celle où ils pourront vivre le mieux et le plus longtemps possible sans avoir la sensation d’être aliéné, de redevenir des nourrissons ?

1- Les grands enfants ont beaucoup souffert

L’isolement est redoutable quand on a 17 ou 22 ans, qu’on ne peut pas étudier en présentiel, ni voyager, ni voir ses amis, ni avoir de relations romantiques ou sexuelles. Ni même essayer de trouver un petit boulot en attendant que la tempête se calme. Le désœuvrement ne sied pas du tout à cette classe d’âge.

La période la plus expansive de la vie, celle où l’on cherche dans le monde réel et dans le monde imaginaire ce qui nous convient, ou l’on libère son énergie, a été littéralement amputée. Et c’est souvent sur les mères que la détresse des jeunes est retombée.

Certaines ont connu d’horribles moments avec leurs enfants qui se sont soit repliés sur eux-mêmes (au point de n’avoir plus aucun contact avec le monde extérieur), soit l’inverse (qui ont explosés de rage face à la seule personne qui leur parlait encore : leur mère). Dans les deux cas, la violence verbale et l’effacement absolu sont extrêmement difficiles à supporter. Je ne peux m’empêcher de le comparer à ce qui est infligé à une femme battue.

J’ai écrit un long article sur le sujet du burnout parental des parents d’ados : Burn-out parental : chez les quinquas aussi ! 
Sur le sujet des relations parents-jeunes adultes, et pour mieux comprendre l’effet des changements culturels au gré des générations, lisez également cela : Jeunes et Seniors, un duo éternellement bancal ? ou encore Jeunes adultes et parents, un manuel de survie

2- Les + de 70 ans ont eu très peur

Du côté des parents, tout ceux qui ont plus de 70 ans ont dû rester enfermés chez eux. Beaucoup d’entre eux n’ont vu quasiment personne, en particulier leurs enfants, lorsqu’ils habitent loin et/ou qu’ils ne pouvaient pas se déplacer.

J’ai par exemple un couple d’amis, tous deux Italiens et vivant à Berlin. Chacun a perdu son père (en deux mois d’intervalle) non pas du Covid, mais de ne pas pouvoir se rendre à l’hôpital pour y être traités, alors que leur état de santé l’imposait. Ils sont donc morts chez eux, en quelques jours. Et bien entendu leurs enfants ont eu un mal fou à se rendre à leur chevet, alors que les transports d’un pays à l’autre étaient interdits. Au final, il n’y a pas pu y avoir de rassemblement familial, ni de sépulture proprement dite… Quel stress pour tous, et surtout pour les mamans !

Pour approfondir ce thème, lisez mes articles sur les relations avec les parents âgés : S’occuper de ses parents en évitant le casse tête et encore Le vieillissement des parents, une phase trouble pour les quinquas

4- Il est temps de reprendre les rennes de sa vie

La pandémie n’a fait qu’exacerber les conditions de vie habituelles. A 50 ans et plus, les femmes ont toutes les chances de goûter aux joies de l’écartèlement familial. Au même moment où leur désir de liberté, d’empowerment, se faire grandement sentir.

La première chose à faire si vous êtes confrontée au phénomène, c’est de consulter ce que le « portail national d’informations pour les personnes âgées et leurs proches » vous conseille. Des aides techniques, logistiques et financières existent, il va falloir vous former sur la question. Je vais revenir sur ce sujet sur lequel je suis très sollicitée.

A 55 ans, on veut tracer son propre chemin, on est super prête… et il faut en même temps s’occuper de celui des autres. De son petit dernier qui ne sait vraiment vraiment pas quoi sélectionner sur Parcoursup, de sa belle-mère qui ne veut vraiment vraiment pas déménager, de son conjoint qui en a vraiment vraiment marre de son boulot.

Trouver sa place, imposer sa place, au milieu de ce petit monde qui vous vampirise, et vous échapper, dès que possible, pour un weekend, une semaine ou deux mois, c’est indispensable pour garder votre cerveau intact et vos nerfs en bon état ! Laissez-les rugir un peu tous seuls. Partez un moment, reposez-vous et concentrez-vous sur votre bien-être et votre avenir, à vous.

Etre dans la génération sandwich vous impose une épreuve physique, mentale et émotionnelle à l’heure où vous même vieillissez. Donc prenez soin de vous, comme je vous le décris très largement dans cet article.

La totalité de ce blog est consacrée au renouveau des femmes et des mères après 50 ans : ménopause, vieillissement, alimentation, carrière, amies, sexe… Je traite de la multitude de sujets qui nous préoccupent, sur une centaine d’articles. Mais avant tout, abonnez-vous à ma newsletter du dimanche matin : je me lève tôt pour vous donner des idées, du courage et de la joie !

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Vous vous sentez engloutie dans la génération sandwich ? 

Votre expérience m’intéresse. N’hésitez-pas à décrire ce qui vous motive ou qui vos préoccupe sur ce sujet. Et dites-moi aussi si vous avez envie de témoigner et de partager votre vécu.


    2 replies to "La génération sandwich, entre parents âgés et ados stressés"

    • SophieG

      Merci Veronique de mettre en lumière ce que beaucoup d’entre nous vivent- cet équilibre balancier est compliqué à gérer même si il nous donne une “légitimité” donc attention à ne pas s’y perdre!

      • Véronique

        Tu as raison, il est facile d’en faire trop, ou de mal s’y prendre, sous le prétexte d’obtenir une légitimité, une reconnaissance…

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