La grand-parentalité, un statut et tout une histoire
Je ne sais pas pourquoi (l’arrivée du printemps et l’époque des naissances ?), mais j’ai lu une foison de documents récemment sur la grand-parentalité. Oui, un jour nos enfants naissent, le lendemain ils quittent la maison et le jour d’après, coucou les revoilà, un bébé dans les bras.
Bon, ça n’est pas aussi rapide mais presque.
C’est fou comme la constitution de la famille meuble notre vie, fabrique nos saisons (liées à l’école) et rythme notre quotidien. Celles qui n’ont pas d’enfants ont intérêt à se prévoir un sacré planning pour ne pas avoir l’impression de patauger sans but dans la longue plage existentielle qui nous est accordée.
Bref, un jour, on va peut-être se retrouver grands-parents. Et peut-être que pour vous, c’est déjà arrivé.
Ça va nous obliger à redéfinir nos valeurs, notre rôle, nos envies, et même notre énergie, puisque quand même, c’est du boulot que de supporter les nuits hachées, les pleurs inexpliqués, les cris bizarroïdes.
Ça va aussi vous obliger à vous poser socialement, exactement comme lorsque votre premier enfant est né : est-ce qu’être grand-mère est votre caractéristique de base, ou un élément parmi d’autres, ou tout en bas de la liste de vos identifiants ?
1- Zoom arrière, quand j’étais petite fille
À l’époque où nous étions des petites filles, si nous nous étions retrouvées face à tous nos visages penchés sur cet article à cet instant présent, nous aurions probablement tremblé d’effroi. Toutes ces vieilles dames ! Mais qu’est-ce qu’elles nous veulent ? Mais pourquoi est-ce qu’elles nous scrutent de cette façon ?
Quand j’avais 8 ans, si je m’étais rencontrée en version 2023 dans la rue, je me demande bien comment je me serais perçue. Est-ce que je me serais repérée au milieu des adultes, est-ce que je me serais plu ? Qu’est-ce que j’aurais préféré chez moi, en tant que fillette curieuse-timide ? Est-ce que j’aurais eu l’air d’une mamie quelconque parmi tant d’autres ? Est-ce que je me serais donné envie de grandir, d’étudier, de travailler, de vieillir…de faire des enfants ?
Oh là là, je n’avais jamais pensé à ça.
Je mesure toute l’étendue de ce parcours qui a l’air tellement banal si on le considère uniquement d’un jour sur l’autre.
Mais tandis que je vous écris, j’observe cette petite Véronique de 8 ans, en CM1, déjà intrépide, incorrigiblement bavarde (c’est la première et parfois la seule appréciation qui sera notée dans mes carnets de notes, pendant toute ma scolarité) et « très nature » (encore une expression qui me caractérise, sans que je sache exactement à quoi ça correspond).
Je réalise qu’être grand-mère, comme être mère, c’est faire un choix fondamental de comportement. J’ai voulu être une mère simple et heureuse, car je sentais que je pouvais l’être. Tout ce qui m’aurait gênée dans ce choix, je l’ai évité, ou supprimé, dans la mesure du possible. En y réfléchissant, j’ai beaucoup élagué dans ma vie, pour être la mère que je souhaitais être.
Mais avant de poursuivre, abonnez-vous à ma newsletter du dimanche matin. Sur un ton personnel et amical, j’y traite… de tout ce qui se passe dans notre vie de quinquas ! J’essaie par la même occasion de vous transmettre de grandes brassées d’énergie, de joie et de vitalité.
2- La psycho-généalogie, science ou coïncidences ?
Comment préparer la grand-maternité, désormais ? Ça n’est pas demain la veille pour moi, mais après tout, rien ne m’empêche d’y penser.
Il me semble que cette fois-ci, je vais sciemment privilégier des faits de ces 5 ou décennies passées :
- L’indépendance physique et la géographie élastique, héritée de mes ancêtres paysans.
- La lecture et l’écriture, obligatoires quand les soirées sont si longues dans la solitude des champs, puis celles des pays inconnus.
- La créativité et les liens sociaux, autrement dit la débrouillardise et la chaleur humaine, que j’associe cette fois bien davantage à la richesse des villes.
Mais en attendant ce jour magique où je serai une « grande » maman, une maman presque-double, je vous propose de faire le point sur vos grands parents à vous. Examinez qu’ils vous ont apporté, les bons et les mauvais souvenirs. Mais aussi leurs absences, les trous du passé qu’ils peuvent vous avoir demandé implicitement de remplir. Leur style, l’atmosphère qu’ils ont créée, la façon dont ils ont vécu leurs maladies, leur vieillesse.
« L’angoisse est une maladie transmissible » en psycho-généalogie, comme cet article nous l’explique. Je le confirme, ma belle-famille possède l’art et la manière d’intégrer l’angoisse dans la moindre de ses pensées et le moindre de ses mouvements… et de la restituer intacte aux générations suivantes. Mais est-ce enseigné ou intégré en profondeur ?
L’impression que vos grands-parents ont gravé sur vos propres parents, et par ricochet sur vous, ça compte, même si parfois les traumatismes s’évaporent d’eux-mêmes, ou que la paix familiale ne parvient plus à se maintenir. Au fait, les avez-vous connus, les quatre ? Ou plutôt ceux qui ont élevé votre père et votre mère, qui n’étaient pas forcément leurs géniteurs ?
De mon côté, dans chacune des deux familles, nous étions des dizaines de petits-enfants, et n’avons pas eu beaucoup de relations personnelles avec eux (sauf avec ma grand-mère paternelle qui habitait dans la même maison que nous). C’était la fin de l’époque de la maternité « industrielle », mais ne pas avoir d’enfants était encore considéré comme un manque, une triste anomalie, pas comme un choix.
3- Avoir des enfants ou pas, selon l’air du temps
Être en couple et décider de ne pas avoir d’enfants est une démarche qui a largement fait du chemin depuis, ce qui ne lasse de surprendre les parents non occidentaux. Comme à chaque génération, le contexte économique et social influence beaucoup nos choix personnels. Il est très probable que vous ayez un fils ou une fille qui refuse de faire des enfants pour des raisons écologiques : officiellement, il/elle ne veut pas contribuer à détruire la planète.
Mais cette tendance pourrait s’inverser : d’une part la fertilité baisse et la surpopulation redoutée ne se produira pas, bien au contraire. De plus, les technologies de recyclage économes en énergie et l’intelligence artificielle envahissent notre monde à vitesse accélérée. Les USA se lancent à corps perdu dans la réindustrialisation décarbonée contemporaine du dérèglement climatique, des marchés qui finiront bien par être suffisamment lucratifs pour que les jeunes y voient un nouveau départ économique et social.
Bref, après un début de XXIème siècle vécu dans une sorte de terreur environnementale, on pourrait rapidement passer à autre chose (sans régler pour autant le défi climatique, mais plutôt en l’intégrant dans un nouveau schéma de production et de consommation). Le jour où les jeunes occidentaux regarderont la situation planétaire avec un œil neuf, s’ils y arrivent, ils pourraient réenvisager de faire des enfants, comme cela se produit après une guerre. Loin de moi l’idée d’affirmer que l’on avance vers un nouveau baby-boom, surtout si l’infertilité se généralise, mais l’appel de la prospérité est en général suffisamment convainquant pour que les familles s’élargissent.
Et puis n’oublions pas que pour la plupart d’entre nous, l’émotion et la créativité apportées par la venue d’un enfant ne seront que rarement surpassées par un quelconque travail salarié : il faut un poste professionnel exceptionnel ou une carrière très motivante pour apporter autant de joies, de tourments, de revirements, d’interrogations… de vie.
Peut-être que j’écris cela parce que je n’ai qu’un seul enfant et que je souhaite au fond de moi qu’il en ait plusieurs ? C’est possible, mais ça je ne lui dirai jamais. La pression sociale au mariage et à la reproduction, c’est quand même très malsain. On a déjà beaucoup de contraintes dans la vie, autant conserver toute sa liberté pour s’unir et se reproduire selon notre bon vouloir, et dans le respect absolu d’autrui bien entendu.
4- Ce que nous allons leur raconter, à ces petits loulous
Donc voilà, un jour pas si lointain il est possible que l’on se retrouve à bercer dans nos bras tremblants un nouveau petit être, tout aussi tremblant. Ce petit corps va grandir à toute vitesse, nourrit deux fois à l’intérieur : par la nourriture et par les mythes. Nous, on s’occupera peu de la nourriture, c’est le travail direct des parents. Notre tâche, notre mission, notre fierté, ça sera plutôt les mythes.
Les histoires, le passé, le futur. Le présent aussi. On leur dira quoi regarder quand ils ouvrent les yeux, quoi écouter quand ils tendront l’oreille. On leur fera découvrir les gazouillis des oiseaux, les mêmes que ceux qui nous faisaient la conversation quand nous étions petits. Ces moineaux, ces hirondelles et ces pigeons nous permettront de faire le lien entre les époques.
Au fond c’est à cela que servent les oiseaux. A nous remémorer nos années 1970, lorsqu’on avait 8 ans, qu’on portait notre éternelle blouse d’école et qu’on trépignait devant notre pupitre taché et notre cahier du jour. A faire surgir la nostalgie de notre jeunesse, nos « tendres » années, celles où nous étions perméables à tout et particulièrement aux émotions de nos grands-parents – qui nous chuchotaient peut-être leurs découvertes de petits loulous, grandissant dans les années 1930 ou 1940.
Lectrices de ma génération, les années 1970 vont peupler les rêves de vos petits-enfants. Pensez-y avant de les bercer dans vos bras. Choisissez les plus beaux moments de votre enfance, ceux que les oiseaux emporteront sans effort, et rapprochez-vous au plus près de la grand-maman que vous voudriez être…
Lisez cet article pour comprendre le rôle sociologique et historique des grands -parents, ainsi que celui-là, où je parle (dans la première partie) des conséquences de la ménopause sur la structuration de la société humaine…
La totalité de ce blog est consacrée au renouveau des femmes et des mères après 50 ans : ménopause, vieillissement, alimentation, carrière, amies, sexe… Je traite de la multitude de sujets qui nous préoccupent, sur une centaine d’articles. Mais avant tout, abonnez-vous à ma newsletter du dimanche matin : je me lève tôt pour vous donner des idées, du courage et de la joie !
Ces autres articles vont vous intéresser
- Les transformations affectives de la société contemporaine
- Récit de vie : toutes ces histoires qui nous forgent
- Jeunes et Seniors, un duo éternellement bancal ?
- Devenir grand-mère à 50 ans, j’hallucine !
- Jeunes adultes et parents, un manuel de survie
Et vous, comment envisagez-vous votre grand-parentalité ?
Racontez-nous votre expérience dans les commentaires !
4 replies to "Nouveaux grands-parents, du statut à l’histoire"
Bonjour,
Merci Véronique pour cet article. Par mon commentaire je vous partage un peu mon expérience de « MyMy » (adorable petit nom donné par eux) je n’ai pas gout pour d’autre appellation et surtout pas Grand Mère
J’avais de nombreux freins et craintes, puis l’annonce de grossesse de ma fille ainée et sa petite fille dans les bras, j’ai fondu et me suis glissée avec délice dans ce nouveau rôle.
Je suis encore dans l’hyperactivité du travail et loin d’eux, mais cela ne fait rien. Les jours de « Gris » je rêve de nos prochains partages. Ensuite est arrivé un adorable numéro deux. Que du bonheur, que d’amour et d’échanges !
Par contre je refuse d’être « co parent » l’éducation, le coté nourricier c’est pas mon rôle. Mais attention pas de « dés éducation » non plus, les règles familiales sont respectées.
Cependant j’ai trouvé au début que de les avoir sous ma responsabilité, confiés par leurs parents était un enjeu encore plus fort que pour mes propres enfants .
Je vous souhaite une excellente journée, je vous quitte c’est la vacances pour quelques jours à la mer et nous avons un beau programme vélo et balades aujourd’hui….
Merci MyMy pour ce joli témoignage ! C’est fascinant, quand j’y pense, de se voir donner un nouveau nom, surtout aussi original, par de toutes petites personnes. C’set bien une nouvelle identité que celle d’être grand-maman, en plus du nouveau statut social et familial.
Bonnes vacances et balades à vélo !
Il est beau cet article et important, pour ma part, mes enfants sont en âge d’en faire s’il le souhaite, à ma connaissance, ce n’est pas du court terme mais les choses arrivent parfois plus vite qu’on ne l’a pensé, je serais ravie vraiment si je deviens Mamie mais je laisse le choix à mes enfants que j’adorerais toujours tout autant s’ils décident de ne pas en avoir ou ne peuvent en avoir. Je les veux heureux à leur façon. Quand je vois mes soeurs plus âgées que moi, déjà mamies elles, je vois bien que c’est très chouette de partager ces moments avec les enfants de nos enfants. Et les grand-parents ça apporte autre chose aux enfants que les parents, c’est hyper important. Une de mes soeurs est appelée joliment je trouve Mamy Blue (parce qu’elle en chantait la chanson).
C’est mieux si on n’est pas trop vieux quand on devient grand-parents pour pouvoir être suffisamment actif de la tête et / ou des jambes pour faire des choses avec les petit-enfants. Mes grand-parents maternels étaient déjà âgés quand je suis née, je n’ai pas eu beaucoup d’échanges avec eux. Cependant, rien que leur vision, leur figure, posture inspirait beaucoup de présence et de caractère donc ils ont sans doute joué un rôle même si ce rôle parait moins actif. Du côté paternel, j’ai eu la chance d’y aller en vacances, des souvenirs de liberté car en effet, l’éducation c’est l’affaire des parents (tout en la respectant de la part des grand-parents). Un grand-père qui avait vite la larme à l’oeil d’émotion même de bonheur et c’était une bonne image à une époque qui voulait que les hommes ne pleurent pas ! Une grand-mère féministe à la manière de son époque ? : Elle n’était pas dotée d’un physique du classique féminin, grande et costaude, et nous nous rappelons d’elle se rasant le matin ! ! (elle avait du certainement le faire par erreur une fois pour se débarrasser d’un pilosité et du coup, a du poursuivre) donc une grand-mère pouvant imiter les hommes ! 🙂 Une ouverture d’esprit, bouleversement de l’ordre établi, pas mal pour le milieu et l’époque je me dis.
Merci beaucoup Christine ! Finalement, les grands parents, pour qu’on s’en souvienne, il faut qu’ils aient été différents des autres « vieux », d’une façon ou d’une autre. Le fait de les connaître personnellement est la première différence, évidemment : dans l’intimité, ils ressemblent bien plus à une personne qu’à un âge. Avoir une barbe, pour une femme, voilà un autre exemple bluffant ! Ça me fait penser qu’en vieillissant, pas mal d’entre nous risquent d’avoir du poil au menton. Je vais écrire un article là-dessus. J’espère que nos petits-enfants sauront apprécier nos moustaches à leur juste valeur, et qu’à leurs yeux, on ne sera pas juste « barbantes »…