J’ai voulu ici raconter une histoire du couple, vu de mon regard de quinquagénaire (bientôt sexta). Ces revendications actuelles de comportements, notamment sexuels, et ces dénonciations tous azimuts des femmes concernant les hommes sont très perturbants et m’interroge. J’ai essayé de les mettre en perspective pour y découvrir un fil conducteur.

Vous savez que je n’aime pas qu’on nous prenne collectivement pour des victimes : pour moi, c’est officialiser notre infériorité. Je préfère très largement la notion d’empowerment.

Doit-on y croire ? On peut y voir une lubie, une sorte de crise de nerf sociale, mais on peut y voir aussi une mutation profonde des relations des individus entre eux, dans les pays occidentaux.

J’ai essayé de comprendre pourquoi cela nous tombe sur la tête aujourd’hui, et vers où on peut s’attendre à aller.

1- Pourquoi est-on en couple, au fait ?

La crainte de l’emprise et de la domination de la part des hommes incite de plus en plus de jeunes femmes à rechercher l’amitié plutôt que l’amour. L’amour dans ce cas, ça veut dire le couple, tel que vous et moi l’avons connu. Notre couple à nous, il a été initié par l’attrait physique et social puis réalisé pour se conformer aux normes en vigueur, et donc s’intégrer dans l’environnement.

L’objectif était de se construire un avenir commun grâce à des attaches conscientes et volontaires. Elles protègent autant qu’elles contraignent, et sont donc difficiles à défaire. Elles sont matérialisées par le mariage, la mise en commun des ressources et la constitution d’une famille.

C’est ainsi qu’on a espéré que les peuples prospèrent : en créant des familles stables, sorte de mini-entreprises à la fois financières et éducatives, reconnues et sécurisées par l’état, encouragées par la religion.

Pour maintenir ce système, on a créé tout un univers artistique et affectif, entretenant un romantisme mièvre, où les femmes se languissent des hommes qui voguent au loin. Il faut bien se convaincre que tout cela à un sens, et que l’amour dure toujours…

(Dans les années soixante, c’est-à-dire quand nous sommes nées, la révolution sexuelle ouvre les vannes et permet à des auteurs masculins d’exprimer sans pudeur leur volonté de profiter des hormones fraiches des jeunes filles et garçons. C’est l’époque de « Les sucettes à l’anis », chantée par France Gall, puis de « Banana split » (Lio), ritournelles de notre jeunesse. Aujourd’hui, ils se prennent une claque.)

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2- C’est quoi, la répartition traditionnelle des rôles ?

Ces cellules familiales, personne ne regarde ce qui se passse à l’intérieur. Les rôles des deux parents sont répartis selon les sexes en fonction de stéréotypes comportementaux totalement intégrés : l’homme tourné vers le dehors (notamment en raison de sa force physique, et puis les machines sont encore dures à manier), et la femme vers le dedans (notamment en raison de sa force émotionnelle, et puis les enfants pullulent).

Ces capacités supposément naturelles, que chacun croit, accepte et comprend, permettent de conserver la cohérence du système. Qu’on les aime ou pas aujourd’hui, ces schémas « idéaux », tout le monde les a en tête, sans les avoir théorisés, ni formalisés. La vie familiale est parfaitement empirique.

(Tant que les outils de travail resteront lourds, chers, contraignants, ces rôles se maintiendront. Cela durera jusqu’à l’âge des ordinateurs, qui rend le travail « facile », réalisable indifféremment par un homme ou une femme, et remettent profondément en question cette répartition physiologique des rôles).

3- Le schéma d’avant nous

Les femmes sont dépendantes des hommes, notamment financièrement et juridiquement, tandis qu’elles s’occupent de tout ce qui se passe à l’intérieur des murs. En retour, les hommes sont dépendants des femmes pour construire une famille et un patrimoine et assurer leur préservation partout ailleurs, donc à l’extérieur.

Le couple est un système de protection réciproque, d’interdépendance, chacun offrant ce que l’autre ne peut pas, ou ne sait pas, produire – cette dynamique étant complétée par la politique de la famille provenant de l’État.

Question sexualité, c’est la débrouille (c’est toujours la débrouille aujourd’hui). En cas d’incompatibilité ou de longueur de temps, il n’est pas question de se séparer, donc on mène des vies les plus distinctes possibles. Chacun garde son pouvoir géographique. Et comme les hommes ont accès au dehors, ils en profitent…

(Les femmes feront de même une fois qu’elles seront salariées et rencontreront d’autres partenaires potentiels).

4- L’impact majeur de l’évolution technique et technologique

Bien sûr, le monde change. L’industrialisation, l’informatisation, puis Internet transforment les postes de travail et façonnent la vie quotidienne, autant qu’aujourd’hui l’intelligence artificielle. L’éducation des filles, secondaire puis universitaire porte ses fruits. Elles s’y révèlent meilleures que les hommes.

Toute la société semble devenir plus sophistiquée, les « possibilités » se multiplient. Le temps libéré à la maison, autant grâce à l’école qu’à l’électro-ménager, ouvre de nouveaux horizons aux femmes.

Cette ouverture féminine hors du couple et du foyer est vécue comme une « libération » et provoque à la fois crainte et espoir. (Soyons certaines que les innovations technologiques futures nous apporterons régulièrement d’autres libérations du même type).

5- Hommes et femmes, des compétences différentes ?

Chaque membre d’un couple se met à avoir les mêmes compétences que l’autre… mais uniquement sur le plan professionnel. Les hommes ne possèdent apparemment pas les capacités d’apprentissage de leurs compagnes quand il s’agit de la vie domestique !

Les arts ménagers, le marketing, la pilule, le divorce … bref, l’évolution des techniques et des mœurs aidant, les femmes (celles qui ne « travaillent pas », c’est-à-dire qui n’ont pas d’emploi à l’extérieur et ne goûtent pas aux joies de la double journée) ont de plus en plus envie de sortir de chez elles. Ou de ne pas y entrer.

Elles veulent se libérer d’un destin qu’elles perçoivent de plus en plus comme étant humble, voire servile. Cela consiste à maitriser leur nombre d’enfants (on n’est pas encore au stade où on peut aisément refuser d’en avoir), gagner de l’argent et le dépenser selon leur bon gré

Elles veulent exprimer leurs ambitions intellectuelles et se faire une place au soleil de la ville – plutôt que dans l’ombre de leur maison.

6 – Ce couple que les quinquas ont expérimenté

On connait la suite, puisqu’on l’a vécue.

Sortir de chez soi ne signifie pas renoncer à ses engagements domestiques. D’accord pour bosser dehors, et même empiéter sur le territoire professionnel masculin et tenter d’y progresser, mais pas question de cesser de bosser dedans.

Les hommes, eux, poursuivent leur carrière sans sourciller. C’est aux femmes de s’adapter vu que ce sont elles qui ont décidé d’accéder au « marché du travail » … une bonne aubaine puisqu’on y gagne de l’argent, ce à quoi personne ne renoncerait.

Une génération passe, observée par les féministes qui s’emploient à décrypter l’inégalité du modèle. La génération suivante se heurte au mur de la charge mentale. Impossible de faire en sorte que les hommes se mettent vraiment au ménage, à la cuisine, à la garde des enfants. Impossible de faire en sorte qu’ils se préoccupent continuellement de la vie familiale comme le font les mères.

Il y a quelque chose qui coince dans leur inertie, dans leur incapacité à se mettre à la place de leurs conjointes – alors qu’elles se coulent facilement dans leur place à eux – quand ils leur laissent. Les ruptures conjugales tentent de libérer l’impuissance féminine, ouvrant la voie à une nouvelle forme de contrainte et d’isolement : celle des mères solos avec des enfants à charge.

7- La théorie du patriarcat entre en action

Car la fonction biologique de mère est vue comme fondamentale par la société et la justice : en cas de séparation, 82% des mères ont la charge des enfants. Le bien-être juvénile est très officiellement lié à la mère. Croyance ou réalité ? Le fait est que les jeunes femmes veulent moins prendre le risque de faire des enfants, déchirées entre le désir de s’occuper d’eux et celui de s’occuper de leur carrière.

Puis l’ultra célèbre « patriarcat » pointe son nez et soutient que ce sac de nœud est parfaitement volontaire. Les hommes, en fait, ne sont pas passifs : ils sont totalement actifs et complètement responsables de la mise en place et du maintien d’une société conçue, dirigée et orientée par et pour eux, où les femmes sont inférieures de facto.

Tous les moyens sont bons pour garder le potentiel féminin sous leur coupe : coercition, passivité, manipulation, menaces sourdes ou explicites, violences de toutes sortes. Plus pernicieux, on démontre que les femmes se plient de bonne grâce à ces contraintes omniprésentes, tellement subtiles et entremêlées qu’elles s’avèrent plus faciles à suivre qu’à remettre en question.

Finalement leur intérêt, immédiat et à long terme, c’est d’obéir à celui qui commande (frontalement ou de manière détournée).

8- Le temps de la confrontation

#meetoo explose, porté par les réseaux sociaux qui permettent de s’exprimer sans filtre ni sélection. Les femmes y déversent leur rancœur, concernant avant tout les contacts sexuels non consentis. A l’époque du « moi », l’appropriation de son corps par un autre n’est pas supportable.

En parallèle, le féminisme connait un regain d’activité et se diversifie. La sensation de ne pas avoir bénéficié des évolutions technologiques et sociétales prévaut : dans la pratique, elles n’existent que pour le bonheur des hommes et la reproduction de la hiérarchie implicite. La santé est un magistral exemple de secteur sous-développé pour la moitié de la population, car en dehors de la maternité, le corps féminin est peu étudié.

L’écriture inclusive tente d’égaliser les genres, puisque que le neutre n’existe pas dans la langue française. Le mot « oppression », appliqué aux femmes dans leur ensemble, fait son entrée. Le vocabulaire, d’ailleurs, se dramatise : par exemple les malades guéris du cancer deviennent des « survivants ».

Symbole de la perception croissante de l’inégalité dissimulée dans tous les coins de la société, mais aussi de la revendication d’obtenir une place visible dans une société pyramidale, la « discrimination » sert d’argument quand on n’en a plus.

9- Nos filles ont une vision radicalement différente de nous

Les femmes, particulièrement les jeunes, se découvrent un nouveau statut et se considèrent sous un nouveau jour. Elles sont nées « victimes » d’un sexisme sournois, sous le joug de bourreaux qui ne renoncent pas à leur position dominante. L’accès direct à la grand-place publique des réseaux sociaux leur donne une audience immédiate.

Comment demeurer libre et non pas soumise aux hommes et à leurs principes ? Comment survivre avec une famille dans un environnement pollué et un climat surchauffé ? Et puis qui va s’occuper des enfants quand on sera au top de sa carrière, qui en plus ne cessera de changer au cours de la vie ? La réponse est évidente : mieux vaut ne pas en faire.

Du coup, le couple n’est plus tellement utile, d’autant qu’il est fatalement sujet à la lassitude.

Les jeunes femmes expriment ouvertement et largement leurs vrais désirs, en tous les cas ceux de notre époque, puisque notre Désir principal c’est de se conformer à la norme en vigueur : celui de prospérer professionnellement et financièrement, de traiter la maternité non pas comme un destin mais comme une option parmi d’autres, de choisir sa sexualité ou son absence, et surtout de ne pas se définir par rapport à un conjoint.

10- Maternité et renouvellement générationnel

Aucun modèle occidental sérieux n’a trouvé une alternative au couple, responsable de ses enfants. Ça n’est pas demain la veille que les bébés seront conçus et développés hors du corps d’une femme, et élevés dans des centres spécialisés, sans père ni mère pour s’en occuper.

Ou peut-être finalement, qu’on y viendra ? Là serait la véritable égalité homme-femme version 2024 : celle où les enfants ne perturbent plus l’évolution des adultes. Imaginez un instant qu’on supprime la parentalité, qui pèse tant sur nos contemporains de toute évidence.

Mais on ne peut pas poursuivre la chaine humaine sans les enfants. Et là, il y a un hic : la presque totalité de la planète connait une baisse de la natalité, au point de se situer sous le seuil du renouvellement des générations, accélérant le vieillissement spectaculaire de la population.

La maternité va forcément redevenir à la mode… alors que de plus en plus de couples s’avèrent infertiles. On n’a pas fini d’en reparler.

11 – Et puis les hommes changent aussi !

Les femmes changent, et les hommes aussi, en plus discret. Les deux suivent le même sens de l’histoire, alors qu’ils ne partent pas des mêmes positions. Les rôles socio-économiques de chacun convergent, grâce à l’évolution de la technologie qui autorise l’individualisation et la projection de sa propre image à portée de main.

Les hommes avouent enfin souffrir d’avoir à se conformer aux codes sévères du patriarcat. Ils revendiquent de ne plus être ces mâles virils d’hier, et s’essaient à la féminisation (les femmes se sont mises à la masculinisation depuis belle lurette). Voici l’ère de la « déconstruction masculine », qui consiste grosso modoà transformer un homme souillé en un humain sain.

Les pères réclament de plus en plus l’égalité parentale. Ils n’ont pas tort : leur image de marque monte en flèche quand ils s’occupent seuls de leur progéniture et qu’ils profitent de la compassion générale – alors que les mères n’en tirent aucune gloire et font profil bas.

Tout cela ne va pas se faire du jour au lendemain, mais l’évolution montre que les hommes et les femmes se ressemblent de plus en plus dans la pratique, y compris sur le plan vestimentaire. Le sexe devient secondaire, dans tous ses aspectsSur le plan idéologique par compte, il est intéressant de constater que, pour le moment, les jeunes hommes sont de plus en plus conservateurs (en réaction à la révolte féminine) et les jeunes femmes de plus en plus libérales…

12- Conclusion

J’adorerais voir la suite de cette passionnante histoire. J’essaie de la considérer sous un angle neutre, pas sous un angle d’une femme quinqua vieillissante, qui a grandi et vécu en espérant implicitement faire plaisir aux hommes, en se mettant souvent au second plan, en cherchant à ne pas froisser leur ego.

Je sais qu’ils m’ont aidé de leur côté, à leur façon.

Il y a encore un gros travail à faire concernant les enfants. Avoir des enfants à vie avec un couple parental temporaire (puisque le risque de séparation est grand), ça pose de sacrés challenges. Réfléchissons à la fois aux liens du couple et à sa persistance, à la répartition de la garde des enfants et aux structures de garde collective sou individuelles.

Réfléchissons aussi à un autre découpage du temps de vie, avec des étapes consacrées à la famille, et d’autres pleinement orientées sur la carrière. Ce principe me passionne, je l’ai moi-même mis en œuvre, et il a été très constructif.

La totalité de ce blog est consacrée au renouveau des femmes et des mères après 50 ans : ménopause, vieillissement, alimentation, carrière, amies, sexe… Je traite de la multitude de sujets qui nous préoccupent, sur une centaine d’articles. Mais avant tout, abonnez-vous à ma newsletter du dimanche matin : je me lève tôt pour vous donner des idées, du courage et de la joie !

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Et vous, comment regardez vous cette évolution des moeurs ?

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    2 replies to "Histoire du couple, vu d’une quinqua en 2024"

    • SophieG

      Chère Véronique, ne s’agirait il pas de parler du juste équilibre masculin féminin en chacun de nous? Moins d’opposition de genre. Protection/étouffement/abus oui ne pas les nier. Les crimes de guerre ou les viols deviennent une arme c’est du côté des hommes.
      L’homme a une arme, il est fort et ses pulsions sont fortes- tant qu’il n’a pas reconnu la part de sensibilité en lui, en renouant avec son féminin, alors il se coupe de qui il est vraiment.
      Oui ton édito précédent manquait d’équilibre, la part de masculin en toi s’est exprimée -> les pauvres petits hommes harcelés 😊
      Bon dimanche!
      Peux tu écrire de ta part féminine, ouverture.

      • Véronique

        Merci Sophie pour ton commentaire. Mais les femmes ont des armes aussi ! Elles avaient peu de moyens de défense avant, mais désormais les temps ont changé. Elles n’ont pas que les outils juridiques qui sont imparfaits, elles ont leur jugement, leur bon sens, leurs sensations, leur entourage, leur capacité de communication. Les femmes doivent trouver en elles la force que les hommes affichent, même si elle n’est pas de même nature !

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