L’adaptation des valeurs permet de s’intégrer
Quand je raconte que j’ai changé de valeurs plusieurs fois dans ma vie, je vois systématiquement les gens bondir. Comment peut-on se targuer d’être une telle girouette ? Les valeurs sont notre base, donc notre cadre : notre cocon à nous, transportable à souhait. Même perdue dans la forêt loin de tout, on doit conserver nos références, notre propre code civil, ça va forcément nous protéger et nous guider…
Et bien je pense que non. Les valeurs nous confortent dans un cadre précis, un univers connu. Mais si on en sort, si on part dans l’inconnu, elles nous pèsent et nous empêchent d’aller de l’avant. Quand on sort de notre milieu, il faut au contraire comprendre les valeurs des autres, et même chercher à les imiter.
L’adaptation ou ses convictions, peut-on choisir ? La première suppose de changer, de se transformer. Les secondes évoquent la permanence, l’ancrage, la stabilité. A chaque grand changement de vie, on essaie de s’appuyer sur ses valeurs profondes pour ne pas perdre pied. Mais ça ne fonctionne pas toujours ! Car ces principes de vie que l’on croit se construire personnellement sont en réalité fortement liés à notre milieu, notre patrimoine, notre culture.
Quand un événement nous oblige à une vraie transformation, et à adopter d’autres façons de faire (par exemple devenir mère, changer de carrière, se remarier ou déménager à l’étranger), on est évidemment prise au dépourvue. Du coup, on se raccroche au passé pour y trouver une piste, une continuité. Alors qu’il faudrait nous remettre en situation d’apprentissage : observer, comprendre, appliquer.
1- S’adapter c’est changer de milieu
1- Changer sans bouger
Evoluer dans un univers connu, rien de plus facile. Mais quitter sa vie pour l’inconnu, c’est une autre histoire ! Car les cultures collectives comptent beaucoup. Plus on vieillit, plus on réalise que l’on est le produit de son époque, de ses références et de sa classe sociale. Les valeurs changent d’un lieu à l’autre, d’une génération à l’autre… d’un statut à l’autre. Naviguer entre ces groupes, passer de l’un à l’autre au moins une fois dans sa vie est une expérience inoubliable.
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Notre toute nouvelle prix Nobel de la littérature, Annie Ernaux, a construit son œuvre sur sa vie de transfuge de classe, passant d’un milieu populaire à un milieu littéraire sans changer de pays, comme s’il s’agissait d’un voyage initiatique, éprouvant, dérangeant.
Monter et descendre de l’échelle sociale, dans un sens ou dans l’autre, est tout aussi difficile. La liberté apparente de la parcourir peut faire place à un désenchantement, quelle que soit la direction des échelons. Côtoyer des pauvres peut séduire ou révolter – côtoyer des riches aussi. S’habituer à plus ou s’habituer à moins sont des processus assez similaires : il s’agit avant tout de se faire à « autre chose », à que l’on ne maitrise pas, à modifier son champ de vie, à faire sortir certaines choses/idées et en faire rentrer d’autres.
A confronter une image faite de ouï-dire à la photo brute de la réalité.
2- Après 50 ans, l’évolution des quinquas
L’expression « comme un poisson dans l’eau » évoque le fait de se sentir à l’aise dans son environnement, de s’y intégrer totalement, tellement naturellement qu’on oublie que ce cadre possède des frontières, protectrices et limitantes. Hors de l’eau, ce poisson réalise soudain qu’il n’est pas chez lui. Il se découvre nu. Tout le monde le regarde, il ne comprend rien ni personne, et réciproquement. Il doit accomplir un effort prodigieux pour se transformer et devenir un poisson adapté… qui passe inaperçu.
Certains animaux sont des caméléons, ils se tapissent dans la nature à l’insu de tous, en imitant les couleurs et les formes qui la peuplent. Dans la cinquantaine, on essaie toutes d’être des « caméléones », des reptiles futées, qui savent se fondre dans le décor pour y être productives, participantes, utiles.
Visibles et distinctes pour notre communauté, anonymes et transparentes pour l’ennemi.
L’adaptation, l’intégration dans un nouveau territoire, est souvent contradictoire avec l’attachement à ses « valeurs ». Certaines personnes sont très sensibles à ces principes, à ces convictions, qui correspondent à leur façon de voir la vie. Elles se considèrent au meilleur d’elles-mêmes lorsqu’elles en appliquent les qualités, par exemple d’impartialité, de bienveillance, de courage, etc. Cela fonctionne très bien et on peut presqu’en faire une religion personnelle… si et seulement si on demeure dans le même contexte, le même état.
3- L’expérience personnelle sépare, forcément
Dès que l’environnement change, et que l’on s’adapte, nos valeurs changent aussi. Sinon, on ne peut pas supporter ces nouvelles conditions, on est toujours en décalage, on se sent profondément en porte à faux. Les valeurs, c’est l’apprivoisement puis l’appropriation du nouveau contexte. J’ai souvent noté que c’est ce qui sépare deux amies : l’une part et évolue de gré ou de force, l’autre reste et ne change pas, sauf si un événement majeur se produit et la pousse à se remettre en cause.
Ça m’est arrivé, souvent. À chaque fois je me plie au petit rituel de titiller ET rassurer mes copines/cousines/voisines : c’est bien moi la même Véronique ; mais non, je ne suis pas devenue une étrangère ; mais oui j’ai intégré d’autres façons de faire et d’autres points de vue. C’est simple, je me suis agrandie, je me suis nuancée, je me suis assouplie. Je suis devenue élastique – alors que j’étais raide comme une baguette (je venais d’un milieu foncièrement traditionnel et stable).
La continuité des valeurs est une illusion, seule la personnalité instinctive peut conserver une certaine stabilité (et encore). Lorsqu’on nous dit « tu n’as pas changé », ça n’est pas forcément un compliment ! Changer, évoluer, se transformer, c’est une façon sophistiquée de savoir survivre. Et puis les valeurs sont souvent une histoire de culture : les USA valorisent l’entreprenariat, la France la philosophie du doute, etc. Sortir de son pays, c’est découvrir qu’il y a des dizaines et des dizaines de façon de considérer ce qui est important dans la vie.
2- L’adaptation des valeurs éducatives, toute une histoire
Prenons un exemple : il est 16 h 30 dans un square envahi par les familles à la sortie de l’école. Les valeurs éducatives y sont observables dans toute leur beauté. Au-delà des clichés inévitables (bien entendu, il s’agit de tendances, pas de principes indéboulonnables !), voici ce que j’ai pu observer et déduire des 3 principaux pays où j’ai habité :
A la française, on a tendance à se concentrer sur les défauts, à corriger ce qui pourrait un jour pénaliser, isoler. L’enseignement se fait souvent à partir de ce qu’il ne faut pas faire : c’est l’art de détecter les erreurs avant tout. Dans un square, les adultes comptent sur les autres enfants pour créer une dynamique sociale tandis qu’eux se positionnent comme gardiens, transmettant in fine une morale et des leçons de vie.
Dans le même contexte, le style américain s’intéresse aux qualités, à ce qui plait, à ce qui a une marge de progrès et à la célébration du moindre succès : l’expression individuelle de soi, de préférence dans un environnement hyper contrôlé. Les adultes s’obligent à rester collés aux jeux/équipements et à guider leurs enfants sur tout : l’apprentissage des techniques pour grimper, le calcul des risques, la prise en compte des autres, l’expression des émotions, etc.
Quant à la méthode allemande, elle consiste à créer les conditions de l’autonomie, qui passe par le laisser-faire (selon nos critères hexagonaux). On laisse au maximum les enfants monter dans les arbres, éventuellement tomber, et surtout se débrouiller. Ils doivent apprendre par eux-mêmes la rudesse/la vérité de la vie (y compris la réaction de l’environnement, des autres enfants, adultes ou animaux, des voitures, de la météo, etc.) et donc le contrôle de soi.
3- Valeurs personnelles versus valeurs du groupe
1- Le développement personnel ou collectif ?
Dans toute situation changeante et sensible, on se raccroche aux codes qui nous ont forgés. Parfois la vie est déstructurante : un déménagement, un changement de boulot, une rencontre ou une rupture, une toute nouvelle étape. On cherche alors à utiliser le développement personnel, qui consiste à (re)trouver au fond de soi la motivation, la discipline ou la joie pour réussir à s’adapter.
C’est utile, c’est intéressant… mais ça n’est pas suffisant. S’appuyer uniquement sur des techniques de bien-être et de confiance en soi pour intégrer un autre milieu, une autre ère, est finalement restrictif : on ne travaille que sur la moitié du problème. Ce n’est pas en se connaissant davantage qu’on va comprendre comment circuler dans une nouvelle ambiance ! Au lieu d’essayer de se transformer, ou de vouloir transformer l’environnement, mieux vaut utiliser nos qualités d’observation, d’analyse et de synthèse.
Il faut nécessairement apprendre les valeurs en vigueur là où on veut s’intégrer. Qu’est-ce qui se fait ? Comment vivent les gens ? Quelles sont les techniques, les croyances, les habitudes en vigueur ? Qu’est-ce qui diffère de ce qu’on a connu, qui nous choque et qu’il va falloir comprendre et surmonter ? Qu’est-ce qui rend les gens heureux ? Quelles sont les contraintes ? Où sont les tabous ?
2- Les valeurs, ce sont les qualités posées dans un certain ordre
La dimension sociologique et culturelle du changement est énorme. Se replier sur soi pour y trouver une réponse qui provient des profondeurs de notre passé ne va pas nous emmener très loin. Au contraire : cela peut nous isoler encore plus, puisque cela nous conforte dans notre certitude d’être intègre, certaine de nos choix. Et donc d’avoir raison. Etre persuadée d’avoir raison, c’est quasiment une garantie de s’opposer aux autres à un moment où un autre. Parfois c’est salutaire. Parfois c’est la cata.
Chaque culture, chaque génération, chaque micro-groupe, possède un endroit où s’expriment cette impartialité, bienveillance, courage qui nous sont si importants. Oui, l’impartialité, le courage ou la bienveillance existent absolument n’importe où sur terre, ce sont des qualités humaines universelles. Mais elles ne sont pas considérées ni exhibées de la même façon dans le même contexte. Elles sont placées par la collectivité, et donc par les individus, dans un ordre différent de priorité. Leur importance augmente sur tel sujet, diminue sur tel autre. Ce qui a le don de nous interroger, irriter, horripiler, révolter… selon les circonstances.
Et ça, c’est dur à identifier.
Et c’est dur à accepter.
L’intégration, c’est l’adoption de cette série particulière de normes qui ne nous étaient pas familières, mais que l’on a réussi à détecter, à trier, à pondérer.
Quel travail !
Quel remue-ménage dans notre tête, dans notre coeur.
Comme on se sent parfois en porte-à-faux, instable, décalée.
Mais quand on réussit à le faire, quel bond en avant dans notre vie !
Adapter mes valeurs pour mieux vivre, je l’ai fait dans tous les lieux inconnus où j’ai dû vivre. Je n’ai jamais renié mes origines, mais j’ai souvent renoncé à des références morales que je croyais normales et éternelles. Je ne me sens pas traitre pour autant ! J’ai juste réalisé qu’avancer, c’est aussi se dépouiller. Vous aussi, vous avancerez plus aisément si vous lâchez du lest, si vous abandonnez des postulats qui n’ont plus lieu d’être, si vous transformez vos vieilles valeurs en des principes plus fertiles.
Lisez mes articles complémentaires dans la liste ci-dessous pour réfléchir davantage à ce sujet.
La totalité de ce blog est consacrée au renouveau des femmes et des mères après 50 ans : ménopause, vieillissement, alimentation, carrière, amies, sexe… Je traite de la multitude de sujets qui nous préoccupent, sur une centaine d’articles. Mais avant tout, abonnez-vous à ma newsletter du dimanche matin : je me lève tôt pour vous donner des idées, du courage et de la joie !
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Et vous, comment conciliez-vous valeurs et adaptation ?
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