Je suis une femme qui n’aime pas la retraite

Je suis une quinqua anormale. 
Une femme qui ne veux pas partir en retraite. Ni aujourd’hui, ni demain.

L’année 2023 commence avec les discussions sur la réforme des retraites, qui s’annonce évidemment chaotique. Arrêter le salariat à 61, 63 ou 65 ans vire au débat existentiel partout en France. Chaque année, chaque trimestre, chaque jour supplémentaire de travail est converti en espèces sonnantes et trébuchantes.

Et plus « on » allonge le temps de cotisation avant de pouvoir jouir de ses droits, plus on se sent opprimée, arnaquée et épuisée d’avance. 😩 

Dans la course à la liberté, chaque minute compte.

Mais s’agit-il vraiment de liberté choisie ou de mise sur la touche ? Avons-nous donné le meilleur de nous-même professionnellement, ou restons-nous sur notre faim ? En tous les cas, c’est la prochaine grande étape de notre vie, pour nous les femmes quinquas, et forcément elle nous interroge en profondeur. 

De mon côté, la crainte de perdre en visibilité, de m’assagir et de ne pas avoir suffisamment d’argent constitue un frein considérable à mon statut de retraitée. Non, dans mon cas, ça n’est pas pour demain !

1- La santé permet de rester active

Pendant « nos années 50 », on navigue entre ménopause et départ des enfants, et entre pic, renouveau ou fin de carrière. C’est typiquement une période de changements, notamment corporels et relationnels, ponctuée de crise existentielle, de lassitude dans le couple et de rêves d’amitié. Il y a beaucoup à manger sur notre assiette ! 

Sans le réaliser, on s’achemine lentement mais surement vers nos « années 60 ». La retraite se profile, souvent initiée par notre conjoint. Tout le monde en parle et compte ses points, en particulier ceux qui en manquent. On ne veut pas perdre (trop) de revenus dans les 30 ans à venir. Nos préoccupations portent (avec plus ou moins de bonheur) sur le vieillissement, les loisirs et le patrimoine.

Enfin, pas pour tout le monde.

Pour moi qui n’ai pas assez cotisé (j’ai passé 17 ans à l’étranger) et qui a adoré travailler, autant pour le bien commun que pour ma santé mentale (et souvent sans être rémunérée), partir en retraite c’est mettre un premier pied dans la tombe. 

Je n’en ai pas les moyens. 

Et je n’en ai pas du tout du tout du tout envie. 

Loin de moi l’idée de cesser le travail dans les 5 ans à venir. Au contraire, je fais tout pour conserver une/des activité(s) le plus longtemps possible, jusqu’à 70 ou 80 ans ou 90 ans si l’opportunité se présente. Cette idée de « laisser la place aux jeunes » – qui ne feront jamais la même chose que nous, vu les transformations accélérées du marché du travail et des compétences – me laisse de glace. 

Je serai une persistante. Une de celles qui poursuivront, par gout et par nécessité. Les femmes et la retraite, ça n’est pas un duo qui coule de source, même si on bosse jour et nuit, dans un bureau et à la maison.

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2- Adapter le travail pour poursuivre longtemps

Oui, oui, évidemment que je ne pourrai pas travailler continuellement à plein temps ! D’ailleurs, ça fait déjà des dizaines d’années que je ne le pratique plus. J’aime trop mêler ma vie d’activités diverses et variées : de breaks, d’études, de voyages, de caritatif, et bien entendu de missions professionnelles pointues. 

Je n’aurais jamais eu l’opportunité de me passionner pour un travail si j’avais dû le faire 8 heures, chaque jour de la semaine pendant 4 décennies. Le travail, c’est comme l’amour : il faut varier les plaisirs. S’imposer des défis. Se ressourcer ailleurs. Entretenir la flamme. Passer à mi-temps, tenter l’interim, lancer son auto-entreprise, donner des cours le soir, se focaliser jour et nuit sur un projet pendant 7 jours ou 7 mois… pas question de poursuivre un 35 heures classique si cela ne nous convient pas aujourd’hui, et encore moins dans l’avenir.

Puisqu’on parle de flamme, je déteste l’idée que l’on ne me prenne plus en considération, au boulot comme ailleurs. Et je ne suis pas la seule. Déjà, nous-les-quinquas avons dû nous imposer, avec poigne, pour être visible, présente, écoutée. Obéie.

On s’est accrochée pour grimper les échelons, ou même pour rester sur place, d’ailleurs – et on a dû se justifier, plus souvent que de raison. Comme il serait facile de renoncer une nouvelle fois à cette exposition publique, de laisser la place aux autres. 

D’autant que l’on se sent plus que jamais obligée de le faire. Une bienveillante pression sociale nous incite à « profiter de la vie » (sous-entendu : le travail, c’est la mort) : redécorer notre salle de bains, assister nos vieux parents, raffermir nos biceps et combler l’injustice dans nos villes grâce à notre légendaire générosité de bénévole. 😇 

Et puis les jeunes voient bien qu’on n’apprécie pas outre-mesure ce que l’on croit deviner du monde professionnel de demain. De ses robots, en particulier. Alors, faut-il mettre la clé sous la porte et se laisser envahir par le poids de l’âge et la douceur de la sieste ?

3- On peut le faire, donc on doit le faire

Aujourd’hui je vous propose exactement le contraire. On ne s’efface plus. On ne valorise plus les autres plutôt que nous-mêmes. On poursuit notre ascension – qui a souvent été plus lente que celle de nos enfants. 

Et surtout de notre conjoint. Eux peuvent bien la prendre, leur satanée retraite, et regarder la télé pendant des heures. Ils peuvent bien soupirer d’aise en binant leurs tomates ou en escaladant le mont Fuji. Puisqu’ils partent, profitons-en ! 

Et prenons leur place. Utilisons notre pouvoir, de recul et d’action. Cette fois, on est les reines du ballet.

On a des choses bien plus intéressantes à faire que de dépérir, à la maison ou en voyage organisé. On a la santé, on a le cerveau, et on a une vraie expérience de la vie, personnelle et professionnelle, qui ne devrait absolument pas être gaspillée uniquement dans des occupations mineures. Oui, mineures. 

4- La retraite, un monde de vicissitudes

Car voilà ce que j’en pense, moi, de la retraite :

La retraite, c’est un statut en chute libre

Celui de ne plus être « actif ». Donc de devenir « passif », en percevant (sans rien faire, oui oui, en se tournant les pouces) une somme invariable, jusqu’à ce que mort s’ensuive. Même si on voit dans le regard de notre voisin de table qu’on n’est plus vraiment crédible (vu qu’on est payée à ne rien faire), et donc qu’il est temps de nous taire. Et pour nous les femmes, c’est double ration (de silence) – parce qu’on le vaut bien.

La retraite, c’est un changement d’échelle

Finies les batailles homériques avec le service commercial de l’entreprise concurrente. Finies les conférences au loin et les présentations stratégiques. Finies les exigences ABSOLUMENT intenables des clients. Exit l’adrénaline et les nuits sans sommeil. Bienvenue dans les micro-conflits avec le prestataire du chauffage, les retards de notre vol pour Majorque, la pliabilité de notre vélo électrique.

La retraite, c’est un âge, celui de la vieillesse

Il n’y a que les sportifs célèbres qui cessent leur activité avant l’heure officielle. Pour les autres, c’est 60-65 ans. On était prof, cuisinière, médecin, journaliste, notaire, responsable marketing ? Maintenant on est retraitée. Toutes à la même enseigne. Toutes plus ou moins les mêmes, quoi. Laissons blanchir notre chevelure, portons des lunettes fluos et hop, déguisons-nous en Nouvelle Retraitée Stylée.

La retraite, c’est avoir une vie de papi-mamie 

les petits-enfants, les vacances scolaires, les clubs de loisirs… on retourne à la case école primaire. Et en même temps, on a nos copains à nous, nos petites intrigues, notre emploi du temps sophistiqué. Ça prend un temps fou, ça occupe et c’est valorisant. Et pendant ce temps-là, on ne se mêle pas de ce qui ne nous regarde pas.

La retraite, c’est faire des trucs pour s’occuper

De soi, principalement. Dormir, bénévoler, jouer au bridge, se lancer dans la couture, tenir des permanences – n’importe lesquelles. Être un touriste à perpétuité, jusqu’à temps qu’on tombe malade – ce qui nous occupera aussi beaucoup. (Quand j’y pense, est-ce que trop de bridge ou de couture ne nous rendraient pas malades, en fait ?). 

La retraite, c’est vivre en parasite quand les autres triment

C’est un couperet qui met fin à notre vague impression de ne pas avoir tout donné. Non, on n’a pas exercé tout notre potentiel ni réalisé tous nos objectifs, mais ce qu’on redoutait nous tombe dessus : c’est trop tard. Too late. La seule possibilité de rattrapage, c’est une éventuelle « prochaine vie ». D’où l’intérêt de se plonger dans l’étude approfondie de notre karma.

La retraite, c’est faire du remplissage, en attendant la fin

Il ne reste plus qu’à se caler sur la taille de notre petit pactole et de le dépenser scrupuleusement. Et à remplir notre calendrier de trucs un peu gentils, un peu reposants, un peu utiles. Ou pas. En tous les cas, soyons sages, modérées, compatissantes – surtout prenons notre temps, puisqu’on en a beaucoup. 🤓

La retraite, c’est un abandon sans combat

C’est la défaite, la fin des haricots, la débandade, le renoncement. Un genre de disgrâce. On a perdu la guerre du travail, on s’est bien battue, ou mal – peu importe en fait. Quels que soient nos efforts, quel que soit notre bilan, quelles que soient nos contributions, l’heure c’est l’heure. Et maintenant, il est temps de faire table rase pour la nouvelle génération. Mais la mienne, de génération, elle passe aux oubliettes ?

Pour moi la retraite, ça n’est pas demain la veille

Depuis au moins vingt ans, la pension de retraite des femmes est en moyenne de 40% inférieure à celle des hommes, d’une part parce qu’elles perçoivent 16% revenus en moins en moyenne, et d’autre part car elles sont davantage à temps partiel, en congé parental ou au chômage. Non seulement elles gagnent moins, mais elles cotisent moins : deux raisons de souffrir financièrement. Dès maintenant… et plus tard.

5- Plongeon au coeur de ma motivation

Je ne sais pas pourquoi l’idée de retraite me terrorise autant. A l’évidence, je n’ai pas eu ma dose complète de labeur, ni de résultats. L’idée de ralentir m’irrite, celle de devenir pauvre m’étrangle (pauvre au regard de la quantité d’efforts que j’ai fournis depuis toujours – j’ai un mari qui aura une retraite bien supérieure à la mienne, mais cette somme à l’évidence ne proviendra pas de mon travail à moi, c’est bien cela qui est injuste).

Oui, bien sûr que j’aime profiter de la vie, depuis toujours. J’adore le mentoring, explorer les villages de la Ligurie, réviser mes déclinaisons allemandes. Et je marche des heures dans la nature – bien plus qu’il n’est nécessaire. Mais je ne le fais que parce que le reste du temps, je bosse. 

Je ne veux pas être mise à l’écart.
Je veux grandir. 
Je veux lutter.
Je veux réussir. Plus que jamais, en fait.

Certainement pas me contenter de regarder la vie qui tourne autour de moi.

Je ne veux pas devenir sereine et apaisée, délivrée des tenants et des aboutissants du monde des humains et des autres créatures. Car en pratique, il n’y a que les problèmes et les difficultés qui m’intéressent : au fond, j’adore me prendre la tête pour les résoudre (ou tout du moins, pour les comprendre). Et grâce au ciel, je choisis systématiquement les plus épineux, ce qui me tient au meilleur de ma forme. Mes insomnies ne sont rien par rapport à la joie de ne rien comprendre à ce qui me fait face, et donc à devoir me plonger dedans.

Je suis mal conçue : après deux heures de béatitude, je baille d’ennui. L’inactivité, le recul et la contemplation finissent toujours par m’épuiser.

Me détacher, moi ?
Jamais.

6- Et vous, où vous situez-vous ?

Je le sais, vous le savez :  même si ça a l’air bizarre, tout le monde ne veut pas partir à la retraite. 

Pour beaucoup d’entre vous, prendre 6 ou 10 mois off, rattraper des heures de sommeil perdu et retaper sa cuisine, ça ne serait déjà pas si mal. Vous voulez bien prendre le temps nécessaire pour remettre vos pendules à l’heure, savoir où vous allez aller, commencer une nouvelle activité, ou peut-être retourner à l’école pour y enseigner, à défaut d’y apprendre. Vous voulez bien ouvrir les yeux sur autre chose.

D’autres veulent rejoindre leur conjoint qui a déjà terminé (ou plutôt : c’est lui voudrait bien que vous arrêtiez, pour pouvoir enfin faire ce road trip à Cuba). Une petite mise en garde s’impose : six semaines en tête à tête au bout du monde, c’est potentiellement génial. Mais 24h/24 ensemble dans un même espace, pendant les 30 ans à venir, c’est un sacré boulot. Êtes-vous vraiment prête ? Are you really sure?

Bien sûr, certaines d’entre vous n’attendent que ça : cesser définitivement d’avoir un travail, salarié ou pas. Un jour. Vous êtes fatiguée des horaires rigides, des trajets et des bouchons, des procédures mal-ficelées, de l’absence de communication avec la hiérarchie, de la bêtise rampante et de la négligence généralisée. Vous rêvez de tendresse et de calme, de rire et de joie, ou peut-être encore d’introspection et de prière.

7- Je me sens trop jeune, tout simplement !

Est-ce que je redoute la retraite parce que j’ai peur de vieillir ? Sans doute. Probablement. Très certainement, en fait. 

Je ne crains pas les rides, ni de la dégradation du corps (enfin, pas pour l’instant). Mais je redoute l’isolement. Et l’inutilité. Le travail conserve, non ? Tant qu’on bosse, on oublie ses kilos, on oublie ses petites et grandes misères. On oublie son nombril. 

On pense moins de temps à penser « à soi », l’objectif premier des années retraite. Et ça fait du bien.

La totalité de ce blog est consacrée au renouveau des femmes et des mères après 50 ans : ménopause, vieillissement, alimentation, carrière, amies, sexe… Je traite de la multitude de sujets qui nous préoccupent, sur une centaine d’articles. Mais avant tout, abonnez-vous à ma newsletter du dimanche matin : je me lève tôt pour vous donner des idées, du courage et de la joie !

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    2 replies to "Pourquoi la retraite ne me tente pas"

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