Mener un mode de vie simple et authentique à la campagne

L’essence de ma vie, c’est d’être en accord avec moi-même. Mes choix sociaux et environnementaux font partie de moi depuis que je suis toute petite, ainsi que mon engagement local. Tout d’abord, j’ai grandi dans une ferme qui était un paradis naturel. Puis très jeune, j’ai réalisé la chance d’être soutenue par mes parents, en observant une fille de mon âge désavantagée. 

Au fil de mes emplois, j’ai voulu réconcilier les mondes, rendre plus vertueuse l’économie libérale. C’est en parallèle de mon activité professionnelle que j’ai pu mettre en oeuvre mes choix de vie. Pour cela, j’ai appris à me laisser guider par le hasard des rencontres. Je n’ai pas d’idée bornée au départ de mes actions, j’improvise au fil de ce que je découvre. Mon avenir, c’est aujourd’hui.

1- Participer à un jardin social

A 56 ans, mes enfants sont grands ; je suis allégée depuis plusieurs années de la charge mentale, financière et d’intendance. J’ai pu donc m’investir différemment, pour concrétiser mes valeurs. Je me suis engagée dans un jardin social, « Jardiniers en herbe », constitué de bénéficiaires et de bénévoles liés par une charte. Il s’agit d’une première étape qui permet à des personnes ayant connu un accident de vie de reprendre pied. Pour eux c’est un pré-travail, qui leur réapprend à se lever à 7h du matin trois fois par semaine. 

A cette occasion, j’ai appris à croire en l’autre, en ses possibilités de progresser et réciproquement. J’ai aussi appris l’importance de dire non, d’être juste, et de ne pas faire évoluer quelqu’un qui n’en est pas capable. C’était du travail de longue haleine au cas par cas, presque des cours particuliers, où il fallait surtout être patient, pour ne pas rater d’étapes de progrès. J’aime que l’on puisse se donner du temps quand on en a besoin.

Après cinq années, on s’est rendu compte que les pouvoirs publics ne voulaient pas avoir de multiples petits interlocuteurs, et que l’on ne connaissait pas suffisamment les bons réseaux pour trouver les subventions. L’association a été dissoute et reprise par un chantier d’insertion proprement dit.

2- Aider à l’hébergement de migrants

1- Un échange culturel et personnel rare

A cette époque, j’ai assisté à des assises sur les migrations, où participaient toutes les associations de mon territoire. L’une d’entre elles, « Min’ de rien », m’a séduite. Il s’agissait d’héberger de jeunes mineurs isolés. Ces jeunes sans papier, originaires d’Afrique, s’étaient enfuis de chez eux et risquaient désormais de se retrouver à la rue, à la merci d’être abusés ou de tenter de voler pour survivre.

L’éducation m’intéresse et j’avais deux chambres disponibles chez moi. Mais nourrir, loger et parfois transporter ces jeunes représente un vrai budget. J’ai donc offert de relayer ceux qui avaient besoin de souffler : les familles d’accueil elles-mêmes ou parfois des jeunes en hébergement collectif. J’en ai accueilli huit en tout, des hommes. Ils arrivaient par l’Italie ou l’Espagne, et étaient orientés vers le local grâce aux réseaux associatifs. 

L’association les accompagne sur le plan juridique, pour qu’ils puissent avoir des papiers en règle et s’insérer dans la société. Puisqu’ils vivaient à notre domicile, nous pouvions les aider à progresser en français mais aussi leur expliquer la culture et les valeurs de notre société. Ils arrivaient de pays en guerre, victimes de violence familiale, de maltraitance ou de misère. Certains avaient des souvenirs très durs, notamment de compagnons de voyage morts en court de trajet. 

2- Un engagement local qui demande une grande énergie

Ils ne savaient ni lire ni écrire, étaient souvent endoctrinés par la religion, incapables parfois de décider, ou de comprendre nos façons de faire – en particulier notre tolérance envers les homosexuels. L’un d’entre eux croyait en la sorcellerie. La plupart étaient musulmans et refusaient d’aller visiter les églises romanes (la fierté de notre région), me disant qu’eux ne pourraient pas me laisser pénétrer dans une mosquée.  

Après nos discussions, j’allais me coucher épuisée, je voyais la montagne de préjugés culturels à soulever. Mais qui suis-je pour prétendre tout savoir, être la meilleure ? Comment rester humble ? Certains accueillants pensent que ces jeunes en ont tellement bavés qu’on ne peut rien leur dire : on ne peut que les accepter tels qu’ils sont. Je ne suis pas d’accord. Je me comportais avec eux comme avec mes enfants, on n’est pas là pour toujours faire plaisir, il y a des interdits. 

Certains bénévoles ont un confort matériel qui leur permet d’être totalement dévoués. Ça n’était pas mon cas. Je me suis franchement demandée si j’étais assez riche pour être bénévole. Mais je n’ai pas voulu changer ma façon d’acheter, bio et local, respectueuse des producteurs. Au bout de plusieurs années, à regret, j’ai dû arrêter.

3- S’engager localement dans le conseil municipal

Il faut dire que l’on m’avait approchée pour entrer au conseil municipal de ma commune. Je connaissais déjà l’ambiance, qui correspondait à mes valeurs : bienveillance, discussions constructives. Je ne voulais pas seulement être consommatrice, mais devenir actrice. C’était mon tour de donner ce qu’on m’avait donné. Je m’interrogeais sur le « pourquoi » on fait les choses. Je ne déroge que très rarement à mes règles, je suis très attachée à ma morale, ma ligne de vie, mon horizon. 

Et puis j’aime me confronter aux critiques, le challenge du travail pas facile, changer l’ordre établi. Il n’y a pas de fatalité. Je voudrais faire participer les gens de ma cité aux animations développées par la municipalité : c’est mon tout petit objectif, celui de contribuer à la mixité sociale, de faire attention à ne pas exclure.

4- Faire des choix environnementaux et de consommation

1- Prendre l’habitude de vérifier l’origine des produits

Lorsque j’achète un produit, mon cerveau fonctionne à fond. Je vérifie l’origine de tout, de façon à faire un achat à la fois responsable et plaisir. Je regarde le coût environnemental et humain de chaque produit… mais je ne m’interdis pas de manger des bananes. Il ne faut pas toujours être riche pour manger selon ses idées ; j’utilise beaucoup les magasins avec des dates courtes et des promotions. Je décide des plats en fonction de ce que je trouve, et non l’inverse. Cela m’oblige à être créative côté préparation.

Depuis la sécheresse de 2003, je suis particulièrement sensibilisée à la consommation d’eau et à son gaspillage. Je stoppe le robinet dès que je peux. Je conserve toutes mes eaux (sauf celles des toilettes), y compris pour la douche. Je réutilise cette eau pour les plantes de mon jardin. 

2- De l’eau à l’essence, savoir se restreindre

De plus, j’utilise le paillage pour éviter la sécheresse, que je réalise avec les mauvaises herbes que je laisse préalablement sécher. D’une façon générale, j’ai énormément réduit mes déchets, y compris organiques. On peut tout faire en système circulaire. Cela dit, il y a encore mieux à faire, par exemple choisir une banque coopérative investissant dans l’économie solidaire ou un fournisseur d’électricité renouvelable et locale fonctionnant en coopérative. Mais il s’agit quand même de « gros business », et si le coût est trop élevé, je ne peux pas y contribuer. Mais j’essaie continuellement de m’améliorer.

J’ai réalisé mon propre bilan carbone. Mon point faible, c’est de devoir utiliser ma voiture, pour aller chez mon compagnon qui habite assez loin dans la campagne. Je vais au boulot en bus ou à vélo, de même qu’aux réunions associatives le soir (où logiquement j’arrive parfois en retard). Nous devrions tous compter le temps d’un trajet doux, autre que voiture en solo, pour savoir si nous pouvons participer ou non à  un rendez-vous. Et non pas accumuler des choses demandant de rouler vite d’une occupation à une autre.  Mais je ne veux pas être trop rigide : l’émulation se fait en donnant l’inspiration, pas en forçant.

5- Inscrire ses ambitions dans le quotidien

Mes projets concernent surtout le fait d’être en accord avec mes idées, au rythme qui me convient. J’ose m’affirmer, ne pas faire de concessions inutiles, me montrer telle que je suis. A certains moments de ma vie, j’ai eu honte d’être heureuse, par peur d’être punie, voire par devoir de souffrir. Je ne cherche plus à être systématiquement modeste, à justifier mon sourire.

Je vis un bonheur accessible, mes ambitions se cultivent dans le quotidien. Mon désir d’autonomie est fondamental. Bien sûr, on est en société, on ne peut pas faire tout, tout seul à 100%. Mais je veux dépasser mon intérêt personnel, m’engager pour la nature humaine. Faire preuve de gratitude et donner de la joie, à court terme. 

Ma fille m’a fait une heureuse surprise récemment. Elle m’a dit qu’elle aimerait changer de profession et partir faire des missions humanitaires. Avec moi !

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Et vous, quel est votre niveau d’engagement local ?

Votre expérience m’intéresse. N’hésitez-pas à décrire ce qui vous motive ou qui vous préoccupe sur ce sujet. Et dites-moi aussi si vous avez envie de témoigner et de partager votre vécu.


    9 replies to "L’engagement local et environnemental : les choix de Christine"

    • Sophie G

      Quel bel engagement vrai qui nous parle aussi des barrières culturels avec les immigrants. Bravo pour ces belles actions, concrètes, en partage. Bravo!

      • Véronique

        Merci Sophie

      • Christine Bodineau

        Merci beaucoup, il y a des gens qui font encore beaucoup plus, ce que je fais c’est une petite goutte d’eau mais j’espère que cette goutte peut en rejoindre d’autres pour une efficacité réelle 🙂 et j’y crois ! Pour l’accueil des jeunes mineurs isolés, une fois engagée, je me suis demandée pourquoi je ne l’avais pas fait plus tôt d’ouvrir ainsi ma porte à l’inconnu, tellement c’était bien d’être en accord avec ses idées.

    • SYLVIE

      Bravo. L’équilibre est la clé de ce récit. La prise de conscience tout en gardant une sérénité et une lucidité me semble indispensable pour bien vivre ses choix.

      • Véronique

        Bien vu, merci Sylvie

      • Christine Bodineau

        Merci Sylvie, oui c’est le grand intérêt de la vie, s’y déplacer comme sur une slack line : quand on y arrive, c’est carrément jouissif ! 🙂 et y marcher à l’envers (sur la slack line, c’est encore plus épanouissant !)

    • DESHAYES Marie Josée

      Bonjour, merci Christine pour ce témoignage porteur d’espoir et plein d’équilibre et de vie. Bravo pour toutes ces actions et votre courage et votre désir d’avancer. Beaucoup de bonheur pour vous pour le futur.

      • Véronique

        Merci pour elle Marie-Josée !

      • Christine Bodineau

        Merci Marie-Josée !

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