Je sais que je suis sujette à la dépression saisonnière. 

C’est simple : à Berlin je pleure, mais à Nice je ris. A Paris je piétine, mais à Chicago je patiente. En bref, j’ai toujours été super sensible à la quantité de soleil qui passe par mes fenêtres et qui s’incruste dans mon visage, quelle que soit la hauteur des températures. 

Je préfère un -20°C glacial servi avec un soleil éblouissant, qu’un +6°C escamoté sous une bruine qui n’en finit pas. 

En encore : après la pluie, le beau temps, donc il suffit d’attendre quelques jours pour que le moral remonte. Mais à Berlin, où j’ai vécu plus de 5 ans, on n’a même pas les averses : il faut se contenter du ciel gris. Quand arrivent novembre ou décembre, on comprend qu’il faudra des mois avant de retrouver un vrai soleil rayonnant. C’est le moment de ronger son frein et tâcher de profiter, au mieux, des pâles rayons qui émergent de temps en temps (mais qui ne réchauffent rien du tout, hélas).

Le manque de soleil et ses effets tangibles

Une maladie bien réelle

Pour moi, le manque de soleil, c’est aussi douloureux que la faim ou la soif

Cela me vide, cela m’épuise, cela me transforme en une personne semi-vivante. 

J’attends que quelque chose se passe, j’attends j’attends j’attends, pendant des semaines. Je consulte les sites de météo et je comble mes journées en perspective des deux heures de luminosité fragile qui devraient tomber du ciel jeudi après-midi… mais qui sont mystérieusement annulées, pour des raisons scandaleuses, que je suis incapable d’accepter.

J’ai attendu plus de 50 ans avant de me rendre à l’évidence : je fais partie de ces 5% de femmes qui ont besoin de soleil quasi-quotidiennement dans les veines pour se sentir en pleine possession de leurs moyens. Je n’ai pas un naturel triste, languissant ou cafardeux, et les ténèbres ne me conviennent pas. Et puis je suis du matin, je sais depuis longtemps que je n’aime pas beaucoup la nuit (cela m’inquiète et me fait toujours un peu peur sauf si je suis dehors : alors là mon côté loup-garou aux abois se révèle).

 Mais avant de poursuivre, abonnez-vous à ma newsletter du dimanche matin. Sur un ton personnel et amical, j’y traite… de tout ce qui se passe dans notre vie de quinquas ! J’essaie par la même occasion de vous transmettre de grandes brassées d’énergie, de joie et de vitalité.

Des bougies à la luminothérapie

Mais la pénombre en intérieur, beurk. Je trouve cela sinistre. J’essaie pourtant de m’habituer. Un ami allemand m’a tout dit de l’art consommé d’embellir l’atmosphère chez soi en hiver, en plaçant quelques bougies çà et là, et en observant leur clignement délicat pour y trouver la vie qui manque. A Berlin, j’avais ainsi disposé deux douzaines de bougies partout (sans compter les bouquets de fleurs et les plantes vertes de toutes tailles dont j’espérais qu’elles remplacent le printemps). 

J’aime les bougies… mais n’exagérons pas. Entre une petite flamme de 1 cm posée sur une table basse et un astre resplendissant en haut du ciel, il n’y a pas photo. Du coup, j’ai passé les hivers toutes lumières allumées, ça m’a coûté la peau des fesses, mais c’était une question de survie.

Évidemment, j’ai aussi beaucoup pratiqué les lampes de luminothérapies, qui, opportunément placées sur votre bureau le matin, sont supposées générer la joie et l’ardeur nécessaires pour vous mettre au travail. Pour ma part, je me suis abonnée aux séances doubles ou triples (ou quadruples), à l’issue desquelles j’ai eu juste super mal aux yeux. 

Enfin, peut-être que cela m’a évité de pleurer. 

Mais ça ne m’a certainement pas empêchée de grogner ! 

La dépression saisonnière, une douleur d’origine physique

Manque de concentration, incapacité d’agir

J’ai refusé de noyer ma détresse dans l’alcool, comme le font certains de mes contemporain(e)s. Oui, la chaleur humaine dans les bars, les restaus et les clubs berlinois est réelle, elle est aussi passablement imbibée. Je pense aux Russes et aux Norvégiens qui boivent avec application tous les soirs dès la tombée de la nuit (pardon : tous les après-midis dès la tombée de la nuit), et je me suis dit que décidemment non, ça n’est pas pour moi. Je n’ai pas ce budget-là, ni le foie qui convient, ni une vie suffisamment ratée. 

Je m’en suis tenue à des litres de tisane qui m’ont réchauffée, littéralement. J’ai marché dehors tant que j’ai pu, j’ai supplié mes amies de m’accompagner pour des tournées à travers les bois et les parcs, nous libérant de notre engourdissement, mental et physique. J’ai hanté les magasins, seuls endroits colorés, et j’ai essayé de résister à l’envie d’acheter (de manger) trop de chocolat. 

Je ne vous dis pas la déprime pendant les mois d’hiver sous Covid 19, alors que tout était irrémédiablement fermé.

J’ai une amie qui pour « apprivoiser l’hiver berlinois », c’est elle qui le dit, fait dix ou vingt kilomètres par jour dans la campagne, souvent seule mais pas toujours, en suivant un itinéraire qui contourne la ville. Efficace… à condition de ne pas travailler, c’est ça le (petit) hic. C’est vrai que le manque de soleil nous affaiblit très concrètement. Manque de force, de désir, de motivation, de sommeil, bref, de tout ce qui nous booste en temps normal : toute notre existence à l’air floue, entre parenthèses. Pas étonnant qu’on ne sente pas le courage de bosser.

Tout le monde a ses trucs, pour endurer l’hiver à Berlin. 

Le mien, ça a été d’en partir. 

Et pourtant j’aime cette ville faite d’herbes folles, de pistes de vélos sillonnant vers l’infini, et dont l’hyper-centre n’est pas occupé par une conventionnelle place de la mairie, mais par l’un des parcs les plus merveilleux qui soit (le Tiergarten).

Mais voilà : Berlin est une ville d’été. L’hiver, on ferme. On se referme. Les gens peuvent y être assez infects, d’ailleurs, mieux vaut éviter de les aborder un matin de janvier, je vous préviens. C’est ce qui m’a vraiment incitée à mettre les bouts : la grisaille, je veux bien, mais les têtes d’enterrement, ça non.

Le manque de lumière naturelle chez les femmes

Si vous êtes comme moi, vous l’avez remarqué : le soleil qui pénètre dans nos veines se transforme instantanément en allégresse, sous sa forme la plus simple et la plus pure. Un nuage qui passe, et le processus cesse momentanément, nous laissant désorienté. Un hiver entier, c’est la source de notre vitalité qui se tarit.

Quand on est privé de soleil, c’est cette extraordinaire connexion « lumière-divine + corps-humain », qui passe par la peau et par les yeux, qui s’interrompt. On s’attriste. On se croit dépressif, ou malade. On n’a plus beaucoup à offrir à ceux qui nous font face, autre qu’une vague colère, un dégoût de soi, une résignation déçue. Les études sur le climat et les températures « idéales » nous donnent raison : il y a bien un lien entre soleil et bonheur, entre températures et bien-être. Le top ? Entre 14 et 28 degrés, avec du soleil !

Je me suis posée la question, souvent, de savoir ce que m’ont apporté ces hivers moroses. On ne peut pas perdre son temps à attendre bêtement le retour des beaux jours, alors, comment profiter de cette saison si sombre et essayer de l’aimer ? 

Bref, comment supporter la dépression saisonnière, où que l’on se trouve ? 

Petit inventaire des solutions selon votre personnalité

  • Il y a ceux qui vous conseillent de vous plonger tête baissée dans la productivité, en occultant, très volontairement, les caprices de la météo. Le temps est pourri, je ne peux rien y faire et je n’y pense plus. Au boulot !
  • Il y en a d’autres qui préconisent au contraire de mettre la pédale douce, de ralentir, voire d’hiberner, de plonger dans l’imaginaire en lisant, en rêvant et en prenant des bains chauds. Je pleure sans tristesse, sur la douceur de la mélancolie et l’isolement de l’hiver.
  • Beaucoup consomment, jusqu’à s’en abrutir, des gâteaux, des bières, des restaus, des fringues, des Netflix, des apéros, etc. Encore, encore, encore, je veux m’engloutir dans ce qui ressemble le plus à l’effet du soleil.
  • Certains finissent par prendre rendez-vous chez un thérapeute et s’en remettent aux antidépresseurs, à la vitamine D, à la psychanalyse, à l’acuponcture, aux compléments alimentaires ou à d’autres poudres de perlimpinpin. Confinement + hiver, j’ai une double maladie mentale, pauvre de moi.
  • Certains démissionnent. Ou se réorientent. Ou deviennent free-lance. La force est en moi, je suis capable de changer cette vie nulle qui est la mienne.
  • D’autres encore s’envolent en vacances vers les tropiques. Même si une pandémie fait rage. Débrouillez-vous avec les masques, les tests, les interdictions, les vaccins, moi je vis ma vie.
  • Et quelques-uns déménagent. A Nice. Pourquoi est-ce que je me force à rester alors que je n’ai besoin que d’une gorgée de soleil pour que mon corps fonctionne normalement ? 

Parfois on ne peut pas se transformer soi-même, il faut transformer son environnement. Si on ne peut changer ni son corps ni son environnement, alors on s’astreint à une troisième voie : celle de se consacrer obstinément à autre chose, tout en prenant les vitamines et les médicaments qui soulagent.

N’oubliez pas cela : ça n’est pas de votre faute s’il pleut. Pas plus que ça n’est pas votre faute si les journées sont courtes. Vous n’y êtes pour rien, et ça n’est pas en vous forçant à changer que vous allégerez votre peine.

La totalité de ce blog est consacrée au renouveau des femmes et des mères après 50 ans : ménopause, vieillissement, alimentation, carrière, amies, sexe… Je traite de la multitude de sujets qui nous préoccupent, sur une centaine d’articles. Mais avant tout, abonnez-vous à ma newsletter du dimanche matin : je me lève tôt pour vous donner des idées, du courage et de la joie !

Ces autres articles pourraient vous intéresser

Faites-moi part de votre expérience sur la dépression saisonnière

Que s’est-il passé ? Comment vous en êtes vous sortie ?


    2 replies to "De Berlin à Nice, comment dire adieu à la dépression saisonnière"

    • DESHAYES Marie Josée

      Bonjour Véronique, j’ai beaucoup aimé votre article, il est instructif, plein d’esprit et de a de partage, il vous ressemble, si je peux me permettre de dire cela. Merci de nous décrire ainsi votre expérience de la dépression saisonnière. Je crois que beaucoup de personnes en souffrent réellement, mais pensent que cela fait partie des choses que l’on doit supporter. Alors chacun trouve sa propre solution, malheureusement, quel que soit le pays, c’est souvent l’alcool. Avec mes enfants, nous avons trouve un réel soulagement les mois d’hiver à la dépression saisonnière, en utilisant la luminothérapie. Nous avons réellement constaté une grande différence, et une amélioration de notre confort de vie. Le manque de lumière, et de soleil, peut rendre apathiques même les plus jeunes. C’est un sujet vraiment intéressant et très bien écrit. Merci Véronique. Cela fait du bien de vous retrouver.

      • Véronique

        Merci Marie-Josée. C’est vrai que les enfants en souffrent aussi, sans forcément réaliser qu’il s’agit d’un manque de soleil. Je me souviens quand j’étais petite, je passais tout mon temps libre dehors pendant l’hiver, je n’avais jamais réfléchi à la véritable raison. Je ne sais pas pourquoi ce sont surtout les femmes qui sont affectées, les recherches manquent sur ce sujet. Mais ce qui est clair, c’est qu’il faut tout prendre au sérieux. J’ai beaucoup de chance que mon mari ait accepté de déménager… et j’ai beaucoup de chance de pouvoir habiter où je le souhaite. Je n’aurais jamais pensé quitter un endroit où j’ai beaucoup de liens pour un autre où je ne connais personne juste pour une histoire de soleil, mais l’avoir fait m’a réellement réconciliée avec moi-même. Bon hiver, soignez-vous bien !

Leave a Reply

Your email address will not be published.