Les jeunes et les seniors, un duo éternellement bancal

Avant, les jeunes suivaient. Désormais, ce sont les seniors qui sont à la traine.

Une des grandes frustrations de notre génération d’après 50 ans, c’est celle de devoir continuellement apprendre des nouvelles tendances inventées par les jeunes. On est un peu des suiveurs, une espèce de nouveaux moutons. Et pourtant, on est faites pour être des guides, nous leurs mères.

Mais comment s’y prendre, quand on perd les pédales dans les méandres des nouveautés de l’informatique et du digital ? Quand à 2 ans on est un digital native, avant même d’être un enfant ? 

Pendant des siècles, et même pendant des millénaires, ce sont les vieux qui possédaient le savoir et l’expérience. Les enfants et les petits-enfants étaient obligés de suivre leur modèle, de les observer travailler, construire, affiner.

Parce que les techniques n’évoluaient pas ou peu, les pratiques, de toutes espèces, étaient largement centrées sur la reproduction des savoir-faire. Ce qui bénéficiait aux plus âgés lorsqu’ils étaient encore en forme : ils tenaient le pouvoir entre leurs mains. L’artisanat tout entier fonctionnait ainsi, grâce aux maîtres et aux apprentis, qui se transmettaient non seulement les techniques mais aussi les rites et les comportements appropriés. Les jeunes n’avaient qu’à être patients, un jour leur tour viendrait. 

Le XXIème siècle montre une rupture majeure avec ce système. Désormais, les sauts technologiques sont fréquents, et les améliorations continuelles. Le rythme de l’apprentissage s’est accéléré, et cela convient moins à nos cerveaux vieillissants qu’à ceux tout frais de nos enfants et petits-enfants.

1- L’informatique, point focal de l’attraction/répulsion jeunes/seniors

Pas le temps de prendre du recul, il faut innover coûte que coûte, puisqu’on le peut.

L’ordinateur, l’Internet puis l’intelligence artificielle, les cryptomonnaies… mais aussi la mutation des administrations publiques qui quittent les municipalités pour s’installer sur le web, tout cela créé un monde absolument nouveau, dématérialisé… dépourvu de ces employés en chair et en os qui servaient d’intermédiaires entre une vaste entité et notre petite famille. 

Le plus pénible, c’est de réaliser que plus l’on va vieillir, moins on pourra se tenir à jour sur le plan informatique, technologique et numérique, puisque ces techniques vont se développer de plus en plus vite, alors que notre vie sera en phase de ralentissement.

Nos cinq sens se retrouvent divisés en deux parties, qui font que la valeur du lien s’est appauvri. Ce lien se fait beaucoup plus visible et audible grâce aux réseaux sociaux, mais beaucoup moins tangible avec la diminution des contacts liés au toucher, au goût et à l’odeur.

Finalement, on a réduit notre capacité de perception, en surutilisant deux capacités sensorielles (la vue et l’ouïe) et en négligeant les trois autres.

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2- Les liens humains, une alchimie tellement délicate

Remarquons en revanche que les techniques de parentalité, de relations, d’amitié, d’échanges ont peu évoluées, et pourtant Dieu sait si des milliers d’enseignants, de psychanalystes, de romanciers et de sociologues s’acharnent à décrypter la complexité du monde et trouver la clé de l’entente ou de la bienveillance.

Facebook ne remplace pas, à aucun moment, ces deux heures de rire et de discussion passionnée avec vos amies. Aucun livre ne vous dit vraiment comment bien vous entendre avec vos enfants. Des milliers d’experts scrutent et découpent dans tous les sens les relations dans un couple, mais aucun ne réussit à transformer le vôtre.

Car les relations sont beaucoup plus complexes, embrouillées, évanescentes et subtiles que tout le reste. Que d’émotions à digérer ! Il est plus facile de se relocaliser en Chine rurale que de retrouver un dialogue avec un frère ou une sœur qui nous est devenu étranger. Il est plus rapide de monter une entreprise commerciale prospère sur Internet que de former des liens de confiance avec sa belle-famille.

Lisez ici mon grand article sur les transformations affectives de la société contemporaine

Il est frappant d’observer certaines personnes qui maitrisent incroyablement bien une technique (au point de devenir riches, connues et enviées) mais qui demeurent quasiment handicapées sur le plan relationnel et social. Ce qui les rend à la fois influentes et malheureuses. Et ce qui nous fascine encore plus – car nous, n’est-ce pas, si on était à leur place, on se débrouillerait bien mieux, ha ha ha.

Apprendre une technique (ou mieux, une technologie) flatte, anime et occupe tout notre cerveau (droit et gauche : de l’imagination jusqu’au rationnel), alors qu’apprendre les contacts flatte, anime et occupe… tous nos sens.

Quelle différence !

3- L’appréciation de la nature, pour prendre du recul

Une des façons de se représenter la nuance, c’est de nous remémorer lorsque nous sommes avec des animaux. L’intimité que nous apporte un chat ou un chien est directe, entière, sans jugement. Oui, elle est juste, car on n’attend rien de plus d’un animal de ce qu’il nous donne ou qu’on lui donne déjà. C’est très rassurant.

Les animaux ne pensent pas (comme les humains) donc ils ne nous reprochent rien et donc ils ne nous mettent pas sur la défensive. Quel soulagement. On les touche, on les sent, on les embrasse et on leur parle sans réserve et sans pudeur, sans souhait particulier. On les prend comme ils sont, car c’est ce qu’ils font avec nous.

On observe aussi un peu ce genre de rapport avec les arbres, les vastes étendues, les jolis petits coins. Ils nous enveloppent de leur beauté, de leur chaleur et de leur paix, presque comme de très grandes personnes désintéressées, sans autre désir que celui de nous protéger. Ils peuvent tout aussi bien nous envahir de tristesse, de colère ou de désolation lorsqu’on les voit pollués, abimés, négligés. On a une connaissance réelle et immédiate de ce qu’ils sont, ça nous suffit.

Nous n’avons pas à penser, à nous justifier, à nous positionner, à nous comparer, lorsque nous sommes avec des animaux ou au milieu des montagnes. Nous n’avons pas d’intention.

Inutile (enfin !) d’utiliser notre cerveau, il suffit de libérer nos sens.

Combien de fois est-ce que cela nous arrive avec les autres humains ? Pourquoi est-ce qu’on ne peut pas retrouver cette liberté-là lorsque l’on côtoie autrui ? La liberté de s’en remettre à autre chose qu’à notre cerveau. De nous reposer sur notre instinct. Cette forme de connaissance évidente, directe, authentique, non calculée, vitale.

4- Jeunes et séniors, l’éloignement irrésistible ?

Il est intéressant de voir que ces jeunes dont je parlais ci-dessus, nourris au biberon de la programmation informatique et de YouTube, se ressourcent dans ces activités manuelles que nous, seniors, nous appliquons à oublier. Le tricot, la poterie, le jardinage. Toucher, produire des choses modestes mais réelles, ne pas réfléchir…

C’est un soulagement.
C’est un besoin.

L’informatique et les médias numériques activent tellement nos neurones, surtout quand on travaille sur le sujet du matin au soir, que la compensation coule de source. On ne va pas laisser notre cerveau éclater, se saouler de dopamine de façon vertigineuse ! Il nous faut un contraste, du vide, du simple. Retrouver la terre ferme.

On les voit, nos jeunes et parfois moins jeunes, se gaver de big data. Ce sont eux qui nous apprennent l’air du temps, les modes et les inventions. Donc ce sont eux qui transmettent, alors qu’ils ne savent pas si bien comment s’y prendre. Oui, la transmission est le privilège de l’âge, avec son cumul d’erreurs et ses quelques sursauts de bonnes idées, le tout saupoudré sur 40 ou 60 ans.

Combien de temps vont-ils tenir, nos enfants, avant d’être saturés de renouveau perpétuel, avant qu’on les horripile avec nos doutes et avant qu’ils ne se retrouvent seuls au monde devant leur machine ?

Combien de temps allons-nous tenir, nous les parents, avant de ne plus supporter leur arrogance, avant d’être rendus malades par la froideur du monde, avant d’être définitivement exclus des Metaverses ?

Je crains parfois de voir la vie devenir plus métallique, théorique, mentale. Dépourvue de sens : les cinq que l’on aime tant, le sixième, qui est la direction à suivre, et le septième, qui est la signification de « tout ça ».

5- Je ne veux pas devenir ce qu’ils manigancent

Mais plus j’y pense, plus ces avancées technologiques me révèlent quelque chose : je ne veux pas devenir ce qu’ils manigancent.

D’ailleurs, non, on ne deviendra pas des machines. Les machines n’ont pas de sens, donc elles ne génèrent aucune émotion. Elles ont cette faculté de nous envahir tout en nous demeurant parfaitement étrangères. Elles sont peut-être plus performantes que nous, et alors ? On n’est pas totalement idiots non plus : on est des humains et on adore les problèmes – les créer, en parler et parfois les résoudre.

Non.
Au contraire.
On se rapproche du monde animal.

On se redécouvre comme une espèce vivante parmi les autres. Avec nos yeux, nos oreilles, nos doigts, notre nez et notre langue. On a besoin de cette particularité du monde organique, cette vie relationnelle qui nous comble et qui nous échappe en même temps, qui nous fait du mal et qui nous fait du bien, qui nous empêche de dormir la nuit… mais qui nous donne systématiquement une raison de poursuivre notre existence.

Parfois je frisonne à l’idée que nos enfants aient plus de facilités à concevoir un programme informatique ardu qu’à se trouver un conjoint pour la vie.
De toute façon, puisqu’ils ne veulent pas d’enfant (la faute à la pollution,
NOTRE création), ont-ils vraiment besoin d’un conjoint ??

Mais je garde espoir.
En vous.
Vous êtes là, les mères, avec votre expérience et votre savoir-faire.
Vous êtes là, avec votre instinct qui n’a pas pris une ride.
Alors je sais bien que question avenir, on peut compter sur vous. Quels seniors deviendront nos jeunes, si pressés d’instrumentaliser le monde ? Je serais curieuse de le voir.

Consultez aussi mes autres articles parlant de nos relations avec les jeunes : Jeunes adultes et parents, un manuel de survie ou encore Burn-out parental : chez les quinquas aussi ! et enfin Quitter le nid familial : la fin d’une époque pour les parents

La totalité de ce blog est consacrée au renouveau des femmes et des mères après 50 ans : ménopause, vieillissement, alimentation, carrière, amies, sexe… Je traite de la multitude de sujets qui nous préoccupent, sur une centaine d’articles. Mais avant tout, abonnez-vous à ma newsletter du dimanche matin : je me lève tôt pour vous donner des idées, du courage et de la joie !

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Et vous, que pensez-vous des nouvelles relations jeunes-seniors ?

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    2 replies to "Jeunes et Seniors, un duo éternellement bancal ?"

    • DESHAYES+Marie+Josée

      Bonjour Véronique, j’ai beaucoup aimé votre article, il est passionnant et très bien écrit. C’est un sujet qui me parle vraiment, en particulier, vis à vis de mon fils de vingt ans, plongé dans ses études d’ingénieur, mais complètement déconnecté du monde de tous les jours. Merci pour votre travail si intelligent. Bonne soirée.

      • Véronique

        Merci Marie-Josée. J’espère que la passion de l’informatique ne va pas les engloutir, mais nous serons là pour les retenir. Quand même, je connais plusieurs jeunes qui se sont laissés emporter par les écrans, les data et les algorithmes et qui ont un mal fou à émerger dans le monde du vivant. Soyons vigilantes !

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